Ouka
Ouka Leele
biographie
A la croisée de la photographie et de la peinture, l’œuvre d’Ouka Leele n’a pas d’équivalent. Composée majoritairement de tirages noir et blanc peints à l’aquarelle, on peut l’inscrire dans la tradition de la pratique technique des tirages peints de la fin du 19e et du début du 20e siècle (au Japon notamment). Mais le parallèle s’arrête ici. Car il ne s’agit par pour elle de redonner aux photographies des couleurs disparues par le truchement de l’utilisation du noir et blanc, mais bien de transfigurer la réalité et de dépasser la dimension documentaire d’un médium qui n’aurait pour vocation que d’être un miroir du réel.
D’abord, l’artiste met en scène le monde – les objets ou les modèles – dans des compositions, natures mortes ou portraits, puis le photographie. Ainsi commence le processus de création, avec des images que l’on peut chaque fois rattacher à un genre pictural, largement nourries d’une iconographie proche de la peinture classique (vierges ou madones, drapés, enfants rappelant les chérubins, tablées proches de la Cène) ou de la peinture surréaliste (notamment celle de Salvador Dali, avec de nombreuses rencontres improbables et autant d’envolées d’objets en suspension).
Le monde est alors subverti par la photographe, puisque qu’elle le met en scène, le compose, l’écartèle, en créant des télescopages et des images de fiction jouant des décalages. On est déjà bien plus dans la vision – onirique, burlesque ou cauchemardesque – que dans l’effet de réalité ou le tableau fidèle : ce n’est pas le monde qui fait irruption dans son objectif, c’est bien elle qui le fait jaillir, improbable et fantaisiste, de son imagination puis de son œil.
Après cette première étape, elle envisage le tirage photographique comme un dessin et un support préparatoire : elle le peint à l’aquarelle. Rien de décoratif dans cet exercice, ce n’est pas pour « faire joli » comme dans nombre de photographies peintes que nous avons en mémoire. En effet, elle imprègne ses images de couleurs qui transcendent, bouleversent et subliment la réalité pour la mettre à distance et lui donner une dimension nouvelle. Son travail est profondément subtil et maîtrisé, car il trouble notre perception de l’œuvre : au premier regard difficile de distinguer s’il s’agit d’une photographie aux couleurs chatoyantes ou d’un tableau hyperréaliste. Parfois sa palette se pare de couleurs tendres, parfois ses tonalités criardes flirtent avec un kitch assumé, période Movida, ce grand mouvement culturel de la transition démocratique en Espagne. On y saisit le déchainement de liberté d’une jeunesse affranchie du poids des conventions et de l’oppression après plus de trente-cinq années de dictature franquiste. D’ailleurs, ses images ne manquent pas de nous plonger immédiatement dans la production cinématographique de Pedro Almodovar, proche d’Ouka Leele, dont on ne peut douter qu’il se soit inspiré des œuvres de l’artiste (qui apparaissent d’ailleurs dans plusieurs de ses réalisations) pour l’esthétique explosive et la chromie fascinante de certains de ses films.
On l’aura compris, Ouka Leele a développé un langage et une écriture qui n’appartiennent qu’à elle. De son univers ludique et inventif surgissent une maîtrise picturale indéniable et une créativité débridée. Cette figure de proue de la Movida, Prix national Photographie, a poursuivi une œuvre foisonnante et poétique qui n’a de cesse de réinventer et de réenchanter le monde.
Séries
Noir et blanc, 1999
Peluqueria (Salon de coiffure), 1979
Unelikely Pictures, 2018
Noir et blanc, 1999
Peluqueria (Salon de coiffure), 1979
Unelikely Pictures, 2018
Noir et blanc, 1999
Peluqueria (Salon de coiffure), 1979
Interviews
Regardez voir
France Inter
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Interview réalisée par Brigitte Patient, 2019
Brigitte Patient pour l’émission Regardez voir sur France Inter interview Ouka Leele à l’occasion de l’exposition La Movida, chronique d’une agitation, 1978-1988, aux Rencontres d’Arles 2019.
Expositions
Figure de la movida madrilène
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Espace Culturel, Pau (FRANCE)
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Du 26 juin au 3 octobre 2020
Peluqueria
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Festival Les femmes s’exposent, Houlgate (FRANCE)
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Du 7 juin au 31 août 2019
livres