Weapons Shows, 2018
Tout comme la lingerie ou les voitures, les chars et les missiles ont leurs propres salons. De Paris à Delhi, ces événements, appelés war shows, sont peu connus du grand public mais attirent de nombreux professionnels de l’industrie de la défense. En Jordanie, en France, au Qatar et en Inde, « Weapon Show » d’Herbaut se penche sur l’industrie des marchés et des salons de la guerre dans le monde.
Les marchés de guerre, où les militaires étrangers et le public accrédité se mélangent pour admirer et acheter des armes telles que des missiles, des chars, des drones, des équipements anti-émeute et des pistolets en or massif. Dans les allées, on peut rencontrer non seulement des experts en armement et des soldats faisant leurs courses, mais aussi de nombreux espions. L’aspect glamour des étals du marché, que l’on pourrait confondre avec des magasins de jeux vidéo, semble rendre presque insignifiant le fait que ces commerçants s’occupent d’armement.
Mais il ne faut pas se laisser tromper par l’apparence clinquante du salon de la guerre : l’industrie de l’armement est un commerce mondial, et pas des moindres. En 2012, les cinq principaux exportateurs d’armes étaient les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Ukraine et l’Union européenne. La même année, les dépenses militaires mondiales ont été estimées à 1756 milliards de dollars US, ce qui représente 2,5 % du produit intérieur brut (PIB) mondial ou 249 dollars US pour chaque personne dans le monde.
Bienvenue sur le marché de la mort où les principales valeurs sont le pouvoir, la technologie et l’argent !
Le marché des armes ne connaît jamais la crise économique. Les gagnants de ce secteur financier florissant sont les États-Unis en première place, suivis par la Russie et la France. Un grand boom dans les guerres civiles parallèles sur le globe.
Chaque année, plusieurs foires aux armes sont organisées. On y vend des avions de chasse, des chars, des missiles, des fusils d’assaut, etc. Ici, les règles du marketing sont les mêmes que pour les entreprises civiles. Des gadgets, des brochures, des sacs promotionnels vantant les produits de guerre sont à la disposition des visiteurs.
« Les salons de la défense présentant des armes et des systèmes d’armes (leur ostentation n’ayant d’égal que leur désir de secret) sont une vitrine du cynisme du monde. Guillaume Herbaut se rend compte qu’un photographe qui prend des photos de stands présentant des designs militaires va inévitablement faire hésiter les gens, car il va refléter ce qui est déjà projeté comme image. Mais derrière cette tautologie visuelle, le photographe sait aussi qu’il révèle les 90% de l’iceberg qui ne sont pas visibles. Les racines du mal, le mal du commerce international des armes est montré ici, à visage découvert. Mais quel visage lui donne-t-on ?
Il y a le visage de la mort, la mort dans le futur et pourtant présente dans le monde des vivants. Guillaume Herbaut a photographié les salons de l’armement comme s’il s’agissait d’une exposition dans un musée de cire. Le déclic de l’obturateur est la réplique métaphorique au bruit des armes testées par les généraux et les stratèges de tant de pays du monde, armes présentées en termes élogieux par de charmantes hôtesses, déesses de la guerre des temps modernes. Bienvenue dans le monde des puissants.
Ce récit de Guillaume Herbaut s’inscrit en contrepoint de son œuvre montrant des êtres humains dans la sinistre congruence de leur détresse et de leur désir. Le ton clinique des images montre clairement que toute présence humaine s’est déjà retirée, ne laissant que le domaine sans émotion de la force. Les photographies ont figé les sourires et les positions expertes des visiteurs, nous confrontant ainsi au simulacre d’armes transformées en jouets dans l’esprit de ceux qui passent commande pour remplir leurs casernes de tels équipements. L’artifice renforcé par des visuels devient un mantra. Les images montrées aux puissants sont déformées, comme dans un miroir d’hôpital. L’art de la guerre ne mérite pas mieux que d’être relégué de la foire à la fête foraine. »
Michel Poivert – Historien de la photographie