Une prêtre sous le cercle polaire, 2022
Ce n’est pas tous les jours que l’on a l’occasion de voir une pasteur mettre la bandoulière de son fusil à son épaule après avoir célébré la messe. Pourtant, ce n’est pas une surprise pour les habitants de Longyearbyen, le village le plus septentrional du monde, dans l’archipel du Svalbard. Une terre sauvage et inhospitalière, recouverte en grande partie de glace et condamnée, de mi-octobre à mi-février, à une obscurité perpétuelle où les ours polaires vivent à l’état sauvage et deviennent un danger pour les humains.
Marchant dans la neige profonde, les lunettes de ski rabattues sur les yeux pour les protéger des rafales de vent, Siv Limstrand, pasteur de l’église de Longyearbyen, première femme à occuper cette fonction dans l’histoire centenaire de cette lointaine église, doit réfléchir à des problèmes urgents. Son arrivée au Svalbard en 2019 coïncide avec une période de changement mouvementée pour la paroisse isolée. Dans deux ans, la dernière mine de charbon encore en activité aujourd’hui à Longyearbyen fermera pour réduire les émissions de CO2, mettant fin à une longue histoire d’exploitation minière en Norvège et obligeant la communauté à se réinventer.
Au climat d’incertitude qui règne dans l’archipel s’ajoute la grande inquiétude suscitée par le changement climatique, qui progresse deux fois plus vite sous les latitudes arctiques que sous les latitudes tempérées.
Ouverte 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine, l’église offre une hospitalité spirituelle à tous, quelle que soit leur confession religieuse. Quarante nationalités différentes et quelques adeptes de religions non chrétiennes fréquentent l’église à la recherche d’un moment de méditation ou simplement de chaleur humaine, une denrée particulièrement précieuse dans ce pays glacial. Siv Limstrand s’improvise psychologue pour aider les gens à traverser des crises existentielles, que le climat d’incertitude qui plane actuellement sur l’avenir de l’archipel contribue à rendre plus profondes. Les gens décident de s’installer dans cette lande lointaine pour échapper à leurs monstres intérieurs, oubliant que les vérités les plus inconfortables remontent à la surface plus puissamment que jamais devant ces étendues de glace sans fin.