Objets sous contrainte, 2014
Une brosse à dents tordue, une pipe, un sac poubelle, une bague de fiançailles, des flacons de parfum… Jean-Robert Dantou s’attaque ici aux représentations de la folie avec l’idée que la photographie, mettant toujours en avant la crise et jamais le quotidien, montre souvent des monstres, rarement des hommes. Des photographies mises en scène par Charcot à la Salpêtrière, à la fin du XIXe siècle, aux reportages de Depardon sur San Clemente, des carnavals de fous de Diane Arbus aux hôpitaux psychiatriques d’Anders Peterson, les fous sont toujours baveux, tordus, ils se cognent la tête contre les murs, regardent de travers et nous terrorisent. Or en dehors des crises, lorsqu’elles existent, beaucoup de personnes décrites comme ayant des troubles psychiques mènent des vies difficiles mais ordinaires. Cette image qui leur colle à la peau est bien éloignée de leur quotidien.
Dans le premier volet de ce travail, le photographe a choisi de photographier des objets qui cristallisent des moments de prise de décision et qui nous font entrer dans la vie de ces personnes décrites comme schizophrènes, bipolaires, souffrant de troubles obsessionnels ou de syndromes dépressifs. Avec l’idée de sortir du spectaculaire et de contourner le stigmate, pour faire apparaître, derrière ces objets, des personnes. Les textes accompagnant les images nous plongent dans la question cruciale de la perception des dangers, des risques acceptables et des risques inacceptables. Le photographe a installé son studio de prise de vue dans différentes institutions (foyer de postcure, clinique, hôpital psychiatrique) et au dehors, en travaillant directement avec des patients, des proches et des soignants sur des objets qui à leurs yeux faisaient sens. Ce travail est issu d’une collaboration de plusieurs années entre le photographe Jean-Robert Dantou et une équipe de recherche en sciences sociales dirigée par Florence Weber financée par la CNSA.