N’allez pas à Glasgow ! 2018
C’est ce que tout le monde me disait lors de dans mon premier voyage à l’étranger, en Écosse. Je venais tout juste d’avoir vingt ans et je voyageais seul à travers l’Angleterre et l’Écosse avec un petit appareil photo et une grosse guitare, évitant la ville de Glasgow qu’on me disait trop dure, trop dangereuse pour le jeune photographe que j’étais.
Aujourd’hui, de retour en Écosse après 41 ans, je cherche à faire des portraits de jeunes gens de 20 ans vivant à Glasgow. Je suis curieux de voir ce qu’avoir 20 ans en Ecosse signifie aujourd’hui, à l’heure du Brexit et, à un moment où tant de jeunes cherche à définir leur identité. Je me questionne sur ce que veut dire être de quelque part… En l’occurrence, ce que ça veut dire arriver en Écosse, devenir écossais ou encore migrer et quitter l’Écosse.
J’aurai vu ce pays à vingt ans et me voici à 61 ans devant la même solitude dans ce voyage, ou presque. Mes souvenirs de l’Écosse se sont aussi les paysages spectaculaires et j’ai donc souhaité provoquer une rencontre entre la proximité des portraits et la distance des paysages.
Ainsi je me question à travers les yeux des jeunes, sur cette notion du caractère essentiel d’un lieu. À l’heure du Brexit, nombreux sont ceux qui doivent se poser la question de rester ou partir.
Et puis, cette démarche questionne également ma descendance écossaise. Je suis d’une famille mixte, comme bon nombre de québécois, avec un tiers français, un tiers irlandais et un tiers écossais. Je ne connais que très peu de choses de cette descendance. Mes ancêtres Lindsay sont venus en Amérique, au Québec à la fin du 18ème siècle et ont migré vers le Bas Saint-Laurent pour s’installer à L’Îles Verte. Ils deviendront gardien du premier phare maritime érigé sur le fleuve Saint-Laurent (1809), sur l’Île verte, et tiendront ce poste de gardien de phare, de père en fils, durant 4 générations. Mais ont-ils choisi de quitter l’Écosse ou ont-ils été forcé à l’exil, chassé du pays ?
J’ai voulu mettre en parallèle ces deux pistes de recherche pour engager un véritable dialogue avec les écossais et créer un ensemble qui saura traduire, dans un esprit poétique, ma démarche entre l’histoire et le présent.
-Bertrand Carrière