Le Capteur, 2012
Bertrand Carrière travaille depuis de nombreuses années à la construction d’un journal photographique en plusieurs volumes, où se côtoient et s’entrechoquent les différents aspects de sa production. Éliminant les barrières thématiques habituelles, ce projet crée une collection de balises visuelles, forçant des rencontres événementielles ou temporelles improbables entre les images.
En utilisant des motifs et des signes récurrents, Bertrand Carrière construit un territoire, tel un atlas, où l’ordinaire côtoie l’insolite. L’essentiel de sa démarche repose sur ce que le présent lui propose, en tout moment et en tout lieu. Il travaille la structure du journal afin d’explorer les limites de l’expérience privée, pour façonner des récits.
Son utilisation avec l’âme de l’amateur, d’un petit appareil à l’aspect simple et non intrusif lui permet de donner libre cours à ses intuitions. La pratique automatique devient ici une théorie de travail, un engagement dans le potentiel visuel et poétique du flot des choses au jour le jour et de leurs incessantes transformations.
« Coupé de tout ce qui lui était familier, incapable d’apercevoir le moindre point de référence, il voyait ces pas qui le menaient nulle part le mener en lui-même. C’est en lui qu’il errait, qu’il se perdait. Loin de l’inquiéter, cette absence de repère devenait une source de bonheur, d’exaltation. Il s’en imprégnait jusqu’à la moelle. »
Paul Auster, L’invention de la solitude.