Mars 2013
La crise politique en République Centrafricaine, consécutive au renversement du régime de François Bozizé par les rebelles de la Séléka en mars dernier, s’est muée en guerre civile alors que les tensions entre la majorité chrétienne et la minorité musulmane plongent le pays dans le chaos.
Michael Zumstein s’est rendu à Bossangoa. Près de 25 000 personnes ont trouvé refuge dans la mission catholique de la ville, après les attaques et les représailles entre les membres de l’ex Séléka, aujourd’hui intégrés aux Forces Armées Centrafricaines (FACA) et les groupes d’autodéfense de la région.
De leur côté, les Centrafricains de confession musulmane se sont regroupés dans les locaux de l’école de la liberté, par crainte des exactions des antibalaka.
Alors que les pillages gagnent Bangui, la capitale, la situation dans la région de Bossangoa, à 300 kilomètres au nord, est particulièrement critique. Les habitants abandonnent leurs villages en proie aux luttes entre les différentes factions armées et gagnent la brousse ou se rassemblent dans des camps de fortune. La situation humanitaire devrait s’aggraver du fait de l’abandon des terres cultivables.
Décembre 2013
Le 5 décembre 2013, les milices chrétiennes anti-Balaka attaquaient Bangui pour faire chuter le président de transition Michel Djotodia, lui-même arrivé au pouvoir en mars dernier après un coup d’état mené par les forces de la Seleka (l’Alliance). Cette attaque et la sévère répression des soldats de la Seleka, majoritairement musulmans, contre les populations civiles ont plongé le pays dans la peur, déclenchant un cycle infernal de violence intercommunautaire.
Tout au long du mois de décembre le fossé s’est creusé entre ceux qui disaient « si bien vivre ensemble, avant ».
Jours après jours, les rumeurs ont amplifié les exactions des deux camps, poussant extrémistes chrétiens et musulmans aux pillages, aux vengeances et aux représailles aveugles.
Puis les lynchages publics ont débuté. Quotidiens. Sous les yeux des militaires français.
Et chaque matin de décembre, les habitants de Bangui regardaient terrorisés, les employés de la Croix rouge, venir enlever les cadavres de ceux qui avaient été tués pendant la nuit.
Aujourd’hui, près d’un million de centrafricains ont quitté leur foyer pour se réfugier dans des écoles, les églises ou sur le tarmac de l’aéroport de Bangui sous protection française. Une très grave crise humanitaire s’ajoute aux crises politique et sécuritaire.
La Communauté Internationale, effrayée par ce pays où la politique est rythmée par les coups d’état à répétition et dont elle connaît peu les acteurs, hésite à s’engager.
L’ancienne puissance coloniale, la France, intervenue tardivement et avec trop peu d’hommes, ne peut pas compter sur les Forces africaines de la MISCA (Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique sous conduite Africaine) trop désorganisées et se retrouve, malgré elle, au centre du bourbier centrafricain.
Janvier 2014
La Centrafrique vit sa crise sécuritaire et humanitaire la plus aiguë depuis l’indépendance, proclamée en 1960. Le pays est en proie à une vague de tueries, de transferts forcés de populations et de pillages sans précédent. Les crimes de guerre ont touché tout le monde. Et la purification ethnique, qui vise la communauté musulmane, est radicale.
Trois mois après le lancement de l’intervention militaire française « Sangaris », souhaitée et saluée par une immense majorité de Centrafricains et bénéficiant d’une forte légitimité internationale, le constat est amer.
Si, à terme, les troupes étrangères – de Sangaris, de l’Union africaine, de l’Union européenne, et bientôt de l’ONU – parviennent à rétablir une certaine sécurité dans le pays, l’opération a été menée de telle manière qu’elle n’a pu éviter que la tempête se déchaîne sur une Centrafrique déjà meurtrie par une année de crimes commis par la Séléka, un mouvement rebelle musulman venu du Nord.
Les forces étrangères ont assisté à une campagne croisée de tueries qui sera un jour qualifiée, si la justice internationale s’en saisit, de « crimes contre l’humanité ».
Aujourd’hui, un calme relatif ne revient que faute d’ennemis ou de cibles, dans les endroits où la purification ethnique a été couronnée de succès. Et la guerre est loin d’être finie […].
Extrait de l’article de Remy Ourdan pour Le Monde