Juliette, 2019
Dans le village d’enfance de Denis Dailleux, en Anjou, vivait une femme de caractère, véritable personnage de roman : Juliette, sa grand-tante, décédée en 2017 à l’âge de 100 ans. Entre le photographe et son modèle, entre la vieille femme et le jeune homme, une complicité unique a instauré pendant plus de 15 ans un jeu grave et drôle, mélange de séduction, d’âpreté et de malice.
Tel un modèle, Juliette accepte les mises en scène de Denis qui tirent partie du décor de la ferme, jouent avec les objets et les plantes. Au fil des ans, les photographies se font plus audacieuses et révèlent une personnalité inattendue qui semble s’épanouir sous l’objectif.
À travers les portraits de Juliette, magnifiques de justesse, apparait aussi la réalité d’un monde rural modeste et précaire, avec ses codes sociaux et ses valeurs, où la rudesse l’emporte parfois sur la sagesse. Avec son caractère bien trempé et son refus du qu’en-dira-t-on, Juliette y fait figure de résistante, portée par son intuition et une intelligence sensible. Dès lors, l’acte de photographier devient un hommage à une existence modeste mais vibrante d’humanité.
« Quand nous nous sommes retrouvés, tu avais quatre-vingts ans. C’est à l’occasion d’un déjeuner chez mes parents que j’avais demandé si tu étais toujours de ce monde. La vie nous avait séparés et tu étais tellement marginalisée par la pauvreté que, si tu étais morte, je pense que personne ne m’aurait informé de ta disparition…
Je me souviens très bien de nos retrouvailles. Quand je suis arrivé dans la petite cour de ta ferme, tu étais campée devant ta porte, les mains posées sur les hanches, prête à défendre ton territoire. Je t’ai demandé en te vouvoyant si tu me reconnaissais, tu m’as répondu non, et quand je t’ai dit qui j’étais, tu as répliqué Je croyais que je n’allais jamais te revoir. »
Denis Dailleux