Hollywood Nightmares, 2024
Hollywood Nightmares est une série d’autoportraits du photographe Raphaël Neal inspirée par l’esthétique des portraits des stars de l’âge d’or du cinéma des années 1930 à 1950.
Ces photographies sont pourtant dérangeantes. Mises en scènes avec un magistral soin du détail, elles sont agrémentées de touches gore. De ces situations scabreuses, les personnages ne paraissent pas s’inquiéter. La douleur est niée. L’horreur est normale – y compris celle dénoncée depuis les débuts de la vague #metoo.
Ce travail participe d’une tentative d’acceptation du temps qui passe et de la perte de ce qui semblait éternel et pur – une vision idéale du cinéma –, tout en cherchant dans le fracas les signes d’une lumière.
Cet autoportrait rend hommage à Ida Lupino, une fantastique actrice britannique qui fut également réalisatrice à Hollywood dans les années 1940. En 1949, elle a coécrit et coréalisé un film courageux sur une jeune mère célibataire, Not Wanted. Quelques mois avant que je ne prenne cette photo, mon appareil photo Canon bien-aimé est mort de manière inattendue lors d’un tournage. Cela m’a profondément affecté, car je l’avais utilisé pendant toute une décennie, notamment comme caméra principale sur mon premier long métrage, Fever, tourné en France. Je voulais en faire un dernier « portrait »
Ce que j’aime dans les vieux portraits hollywoodiens, c’est leur esthétique. Les stars étaient présentées comme on peignait et sculptait les icônes religieuses, car le cinéma est apparu au moment où l’église perdait son influence. J’ai voulu représenter un personnage qui garde la pose malgré le sang qu’il a sur les mains, comme s’il n’en avait pas conscience ou qu’il était dans le déni. La lumière derrière lui est une manière de suggérer que le système l’encourage, voire le glorifie.
Un autre regard sur les contradictions d’Hollywood : la douceur de l’esthétique (un effet brumeux que j’ai obtenu en soufflant sur l’objectif) et les cauchemars qui se déroulent dans les coulisses, en particulier pour les femmes. Par exemple, Tippi Hedren dans Les Oiseaux ou Marnie.
Il s’agit d’un hommage à une magnifique photographie Kodachrome des années 1940 de Gene Tierney. C’était une femme fatale qui a commencé à jouer très jeune, malgré des problèmes de santé mentale. Tierney a lutté contre des épisodes intenses de dépression et d’anxiété, au cours desquels elle a parfois eu des hallucinations. Cela m’a inspiré l’idée de la représenter comme une créature à la Ophelia à qui l’on demande de rester immobile alors qu’elle a des hallucinations de rats tout autour d’elle. Elle a été l’une des premières personnes du monde du spectacle à parler ouvertement de la dépression et de la maladie mentale.
J’imagine certains de mes personnages comme des victimes arrivées au sommet les mains sales, se perdant dans une illusion de grandeur créée par les producteurs les plus cyniques de l’industrie.
Cette photo m’a été inspirée par la photographe Lee Miller, qui était mannequin avant de devenir photographe de mode, d’art et de documentaires. J’aime particulièrement les photos de mode qu’elle a prises pendant la Seconde Guerre mondiale, qui montraient la vie en Grande-Bretagne du point de vue de la femme.
C’est l’une des rares photos de la série qui n’implique pas un personnage appartenant directement au monde du cinéma. Elle représente un fan, un admirateur, quelque chose dont le vedettariat ne peut pas vraiment se passer. Je voulais que la photo soit à la fois paisible et inquiétante, grâce à des détails comme le vase sur la table. Derrière le personnage, j’ai placé de vieilles photos de ma collection. Mais j’ai également ajouté certaines de mes propres photos récentes. J’aime cette confusion : le vrai et le faux s’entremêlent dans une folie tranquille
Cette photo était pour moi une façon de revenir aux débuts du cinéma, lorsque les films étaient projetés dans les foires et les cirques. Ils permettaient au public de voyager dans un monde excitant et cauchemardesque, à la découverte de la beauté et de la monstruosité.