Équateur – Grandir au milieu de la jungle, du pétrole et des exploitations, 2021
En Amazonie, la région de Coca est la porte d’entrée de la forêt équatorienne et des terres Waorani, l’un des treize peuples indigènes reconnus par l’Équateur. Ce peuple est aujourd’hui fortement menacé par la recrudescence des exploitations pétrolières qui sont à l’origine de la déforestation, de la création de piscines de rétention de pétrole et de la pollution massive des eaux, des terres et de l’air sur leur territoire.
La mise en péril de ce peuple indigène et de la biodiversité dont il vit est la triste conséquence de l’intensification de l’industrie pétrolière en Équateur qui représente actuellement environ un tiers des recettes du secteur public et se place comme le principal produit d’exportation avec 7,731 milliards de dollars en 2019. Dans un pays aussi fortement dépendant économiquement de « l’or noir », la réponse politique à la menace environnementale qui pèse sur l’Amazonie et ses habitants reste floue et incertaine.
Cette situation de conflit qui dure depuis des décennies est revenue sur le devant du débat public après les récentes marées noires et le rapport alarmant de l’ONG Amazon Watch.
Depuis deux ans, la région nord de l’Amazonie équatorienne connait une crise majeure qui reste pourtant sous-documentée et peu exposée médiatiquement. Localement, l’UDABT (Union des personnes affectées par les opérations pétrolières de Texaco) a mené une étude et conclu que sur 5 000 personnes interrogées au sein des villages de la région, 251 sont victimes d’un cancer diagnostiqué par un médecin spécialiste.
Vivant de la forêt et de ses ressources, le peuple Waorani est confronté à la menace de l’extraction, et voit les rivières de son territoire contaminées par les marées noires successives. Témoin de la disparition de la majeure partie de leurs terres et de leurs écosystèmes, ils se sont engagés dans une lutte pour maintenir leurs traditions et mode de vie allant jusqu’à porter plainte contre PetroOriental.
Weya Cahuiya, militante Waorani du village de Ñuneno, témoigne : « Nous demandons aux gouvernements de respecter notre territoire mais ils n’ont jamais fait attention à nous et nous attaquent. Laissez-nous vivre comme nous le voulons, et gérer notre territoire. Lors de la dernière marée noire, la rivière a pris la couleur du pétrole et nos animaux sont morts, les chiens, les tapirs, les poulets et les poissons sont morts. Les plantes, les bananes, les yuccas, tous morts. Nous ne nous plaignons pas des autres régions du pays, nous sommes indignés par ce qui se passe chez nous ».
En dépit de la réalité urgente du terrain, l’absence de l’État et des ONG est à l’origine d’une inquiétante impuissance des populations locales face à la menace sanitaire et à la destruction de la biodiversité locale.
Le 2 février 2020, la plus haute chute d’eau d’Equateur, la cascade de San Rafael, s’effondre. L’érosion régressive du sol conduit, en 3 ans, à la rupture de trois oléoducs. La compagnie pétrolière nationale du pays Petroecuador, déjà objet de nombreuses controverses, se trouve de nouveau au cœur d’une importante polémique environnementale. Le 16 avril 2020, le groupe se voit ainsi forcé de suspendre ses activités. Malgré l’engagement de travaux de rénovation de l’oléoduc Shushufindi-Quito et de désinfection du territoire touché, les conséquences désastreuses des marées noires impactent, encore aujourd’hui, les peuples autochtones vivant près de la Rivière Coca.
La rupture des oléoducs a provoqué un phénomène de « piscine de pétrole » dans les territoires attenants à la Rivière Coca. Les pipelines sont vus baignant dans ces eaux pétrolières dangereuses qui pénètrent et contaminent le sol.
Les Waoranis sont l’une des treize nationalités indigènes reconnues de l’Équateur. Après la rupture des oléoducs dans la Rivière Coca, le peuple traditionnel a dû se déplacer afin de pouvoir s’approvisionner dans des territoires attenants non contaminés.
Iralda Zurita, 53 ans, est au stade 4 de son cancer du sein. Sa fille raconte que la tumeur a été découverte il y a 8 mois car Iralda souffrait beaucoup. Ne pouvant se rendre à l’hôpital de la région, elle s’est rendue à Guayaquil pour y recevoir des traitements spécialisés. En quelques mois, le cancer a évolué et a contaminé d’autres organes, obligeant la malade à aller à Quito. Lors d’une échographie, on a découvert que le cancer pouvait déjà se trouver dans le foie. Iralda et sa famille vivent dans une petite ferme à 10 kilomètres de la ville de San Carlos, près de leurs terres, il y a des champs d’extraction et de traitement du pétrole.
Jennifer Camila Abad Flores, 12 ans, et sa mère Andrea Carolina Flores, 29 ans, vivent dans une maison en bois, à 200 mètres d’un puits de pétrole. Andrea raconte que sa fille s’est vue diagnostiquer une leucémie après un accident domestique à cause duquel elle a dû être amputée d’une partie de sa jambe. « Quelques mois après l’amputation, l’état de santé de Jennifer ne s’est pas amélioré, elle était faible, elle ne mangeait pas … Nous l’avons emmenée chez le médecin et on a remarqué que les plaquettes baissaient dans son sang et que je devais l’emmener chez un oncologue. Ainsi, le 4 février 2019, nous avons appris qu’elle avait une leucémie et a été hospitalisée pendant 32 jours à Quito. Pendant le traitement, nous avons passé des mois ensemble à l’hôpital. »