Dieu va ouvrir la mer, 2022
Loin d’être uniquement un lieu de transit, avec le renforcement des frontières et faute de réelles politiques migratoires, le Maroc est un espace où s’organisent la rencontre et la confrontation d’anciennes et de nouvelles migrations. Il présente de manière combinée mobilités et ancrages, passages et installations. Cette reconfiguration de l’espace migratoire marocain a des conséquences importantes sur le plan religieux, car c’est souvent dans les périodes de déplacement, d’exil et de migration, que la foi s’ancre et se renforce, et parfois trouve de nouvelles directions. Comme pour la question de l’islam en Europe, le Maroc se trouve à un tournant où certaines personnes, accompagnées par une volonté politique et un esprit que l’on peut qualifier de « visionnaire » décident de reconstruire un récit religieux commun qui se rattache au grand récit biblique.
L’émergence d’un secteur religieux chrétien informel s’observe en particulier à Rabat. Des Eglises de maison se développent dans des lieux d’habitation où se réunissent quelques dizaines de fidèles pour prier, discuter et échanger sur les projets de vie dans et hors du Maroc.
Sans statut légal, mais tolérées par le voisinage lorsqu’elles sont discrètes, ces églises pour la grande majorité́ d’initiative congolaise sont dirigées par des « pasteurs migrants » qui, lorsqu’ils se préparent à repartir, transmettent leur charge à un successeur.
En dépit de la précarité des personnes et des lieux, du turn-over important des leaders, ces communautés perdurent dans le temps, maintenant leur identité spécifique (nom, localisation et style de prière) par tuilage entre anciens et nouveaux membres, formant ainsi un réseau religieux structuré et durable.
Malik Nejmi vient documenter les travaux de la socio-anthropologue Sophie Bava et et de l’anthropologue Bernard Coyault, à la croisée de leurs terrains anthropologiques dans le quartier J5 de Rabat où résident la plupart des migrants. A l’échelle d’un calendrier religieux très riche, ces églises nous donnent à voir des refuges, des lieux de culte où l’on guérit, où l’on se questionne, et où l’on renforce sa foi dans l’idée de tenter un jour peut-être, la traversée vers l’Europe. Théâtre d’une « théologie de la migration » pour Sophie Bava, elles sont aussi le lieu de la « gestion des communautés » pour Bernard Coyault.
L’espace religieux dit « en transit » des chrétiens Africains au Maroc à permis de structurer un nouveau récit complètement fascinant. La « Colonie congolaise » comme elle se nomme parfois à su produire une vraie structure socioreligieuse afin surement de souffrir moins tout en voyant dans ce pays, le Maroc, une terre promise.