Au désert. Népal – Qatar, le Vide et le vide, 2022
S’inscrivant dans un long cheminement personnel et intime avec le Népal, Frédéric Lecloux documente ici les mouvements migratoires qui vident le pays de leurs hommes, en partageant le quotidien des familles de travailleurs partis au Qatar.
Depuis une vingtaine d’années, des millions de femmes et d’hommes venus d’Asie du Sud-Est et d’Afrique quittent leur village et leur famille pour aller travailler dans le Golfe persique. Le Népal est, après l’Inde, le second contributeur de main-d’œuvre dans la région. En 2015, 1 500 hommes quittaient chaque jour le pays pour aller travailler à l’étranger, dont 20% au Qatar. Si cet exode a précédé l’attribution par la Fifa en 2010 de l’organisation de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar – et malheureusement lui survivra –, celle-ci a renforcé la tendance. On estime aujourd’hui à près de 2 millions le nombre de travailleurs migrants vivant au Qatar.
Or, selon une enquête réalisée par le quotidien britannique The Guardian, 6 500 ouvriers étrangers seraient morts sur les chantiers de construction des infrastructures destinées à accueillir la Coupe du monde. Les stades étincelants contrastent avec les terribles conditions de travail des ouvriers. L’édition 2022 de l’événement planétaire est l’occasion d’éclairer une situation indigne ayant cours dans tout le Golfe persique, dont sont victimes les travailleurs de nombreux pays pauvres.
Venus dans l’espoir d’offrir une meilleure vie à leurs familles, ils découvrent rapidement l’envers du décor : la confiscation du passeport, les conditions de travail inhumaines, sous 50 degrés sans limite horaire, la violence, les accidents, les retards et vols de salaires, les suicides des camarades, les « crises cardiaques », l’absence de soins et de sécurité, les viols, les abus, le coût du voyage, l’éloignement des leurs, le quotidien des camps de travailleurs, la solitude, l’ennui, la ségrégation, les menaces, les insultes et la tutelle de l’employeur… Si toutes les histoires de migrations ne connaissent pas une issue dramatique, les ambitions immenses du gouvernement qatari pour ce Mondial 2022 reposent en réalité largement sur l’exploitation de ses ouvriers.
En photographiant d’abord des mères et des épouses au Népal dont les fils ou maris sont partis, puis ces hommes dans leurs camps de travailleurs au Qatar, Frédéric Lecloux livre un témoignage précieux sur leurs quotidiens et le déchirement de ces familles.
Ce travail photographique a été réalisé avec l’aide de la bourse pour la photographie documentaire du CNAP et le livre est co-édité avec Amnesty France.