A bird in the hand worth two in the bush, 2009
En Afrique – et principalement en milieu traditionnel – un enfant handicapé a très peu de chance de survivre. Une malformation ou une déficience mentale, sont le signe que quelque chose se brise. Les matrones de certaines ethnies d’Afrique de l’Ouest font disparaître l’enfant handicapé à la naissance, ces bébés « Ngoki » (incomplets) ne meurent pas totalement puisque l’on dit qu’ils sont « retournés » pour renaître plus tard.
Pendant deux ans, Malik Nejmi s’est attaché à documenter la vie d’enfants qui ont été exclus de leurs familles parce nés différents. La question du handicap intimement liée au tabou, a été élargie au cas très spécifique des jumeaux de Mananjary à Madagascar, parce qu’il y avait là une concrescence d’un regard sur la diversité (le fait de vivre ensemble) qui excluait toute notion de culpabilité quant à la souffrance réelle des enfants.
C’est la complexité de ce reportage, cette distance qu’il faut avoir pour admettre ces abandons, pour assimiler aux systèmes culturels spécifiques des interprétations variées du handicap ou de la gémellité. Toute histoire sur ces tabous prend naissance dans les mythologies locales et d’une manière générale blâme les mères qui ont porté cet esprit dans leurs ventres.
A Madagascar, le Fady Kambana (tabou des jumeaux) est raconté depuis des siècles. Au Kenya, il suffit d’observer les Morans (jeunes guerriers Massaï) passer des heures entières à se maquiller et à se parer d’attributs de beauté, pour comprendre que le handicap ne peut pas exister dans le langage Massaï.
A Bamako, il faut prendre le temps d’écouter ces histoires à dormir debout, qu’un enfant handicapé appartient à la communauté des Djinns (esprits malins).
Le projet intitulé « African Shade : When taboos make orphans » a démarré à la Pouponnière de Bamako au Mali en 2008, où réside une quinzaine d’enfants orphelins handicapés recueillis par l’association Léo. Malik Nejmi est ensuite allé au Nord Kenya, en milieu samburu, pour poser la question de la gestion du handicap en milieu nomade traditionnel, au centre Sherp de Mararal. Ensuite, Madagascar début 2009, où il est difficile de saisir la rationalité du tabou. Tous les enfants sont des survivants, morts le jour où ils sont nés.
« Là, devant l’objectif, j’ai tenté de chroniquer leur quotidien auprès du personnel qui les soigne et qui les aime. Ce travail devrait un jour m’amener en Algérie pour traiter du cas des enfants dits « illégitimes » en contexte musulman, et puis j’écrirai sans doute sous forme de notes, comment dans mon travail j’ai cette intuition d’ouvrir mes plaies pour élargir ma famille. »
Une série d’entretiens intitulée « La ligne humanitaire » qui donne la parole aux personnes qui se sont engagées à sauver ces enfants (associations, médecins, bénévoles, professeurs), accompagne ce projet.