Sète 14
Texte de : Christian Caujolle
Éditeur : Le Bec en l’air – CéTàVOIR
Date de parution : 2014
ISBN : 978-2-36744-030-9
Taille : 20x24cm
Langue : Français
196 pages
Le grand portraitiste Richard Dumas délaisse pour un temps la scène rock et les célébrités pour photographier la ville de Sète.
« Il est le septième des photographes invités à s’approprier Sète, à nous la restituer à sa manière et, une fois de plus, il démontre, avec une élégante légèreté, que seul compte le regard que l’on porte sur le monde : le réel est, pour le photographe, à la fois un mal nécessaire et un prétexte à se trouver, se découvrir peut-être, dans ce qu’il conserve d’une expérience à jamais disparue. Davantage que d’autres peut-être, Richard Dumas nous rend sensible une composante essentielle de la photographie, la distance, qui dit le point de vue. Le point de vue, en photographie, n’est pas seulement une notion abstraite ou intellectuelle, elle doit s’incarner, parce que, avant toute image photographique, quelque chose, dans l’espace en trois dimensions que nous expérimentons, parcourons et traversons, exista. Le point de vue du photographe est physique. Il implique une singulière impression d’échelle, de relativité du petit homme photographe tour à tour diminué dans l’immensité ou surplombant des bateaux transformés en jouets, maquettes délicates dans lesquelles il peut soudain trancher et s’affirmer en demiurge révélant de la composition, de la forme. La distance, bien physique, face à l’extension de la ville, face à un objet, un visage, un graffiti, une composition géométrique d’architecture modeste et d’ombres rigoureuses, un sourcil exagéré qui virgule un portrait, la matière d’une tombe qui célèbre une photographie en lente dégradation ou l’apparition d’un chat soyeux qui devient une affirmation.
Difficile de savoir pourquoi une distance est « juste » – au sens où Jean-Luc Godard, dont Richard Dumas aime imiter de façon désopilante le phrasé unique, s’interrogeait sur « une image juste ou juste une image ». Ici, incontestablement, ces images sont justes parce qu’elles ne cherchent jamais ni à démontrer ni à décrire. Elles savent se couler dans l’évidence d’une perception qui recueille le sentiment induit aussi bien par la surprise émue face au maquillage d’enfants qui ne sont pas tous les jours à la fête réunis à l’occasion du premier de l’an – les clowns sont rarement aussi justement tristes – que par la fragilité d’une modeste croix composée de gros graviers sur la tombe de Paul Valéry. Mais aussi par l’affirmation de la grandeur immaculée d’une croix monumentale ou la lutte des flots moussant entre des blocs de béton. Ou encore par le face à face énigmatique d’une femme et d’une poupée, l’étrangeté d’une cariatide, tête en écho d’Afrique baissée sur une poitrine orgueilleuse nimbée de soleil, ou même le sourire d’un ballon diablotin se détachant sur fond de mur écaillé. »
Christian Caujolle