Françoise Huguier — « Toute » en retrait
Visa pour l’image : Festival International du Photojournalisme
Exposition au Couvent des Minimes:
Du 27 août au 11 septembre 2022
Rencontre au Palais des Congrès :
Le 31 août 2022 à 10h
Depuis plus de quarante ans, la photographe Françoise Huguier œuvre à ce retrait discret qui n’est pas une retraite. Dans le vocabulaire de l’architecture classique, un retrait désigne une petite pièce dépendant de la chambre à coucher et où l’on peut s’isoler. Françoise Huguier est la locataire solitaire de cette chambre noire où elle fomente ses images lumineuses. Difficile à saisir, pas commode à cerner. Il suffit de l’avoir observée au travail. Ce qu’on découvre alors, c’est qu’on ne la voit pratiquement jamais en train de photographier.
Une femme invisible, une grande reporter qui se fait aussi bien toute petite quand elle se planque, plus qu’elle ne se plante, dans les coulisses d’un défilé de mode, dans les limbes de l’Afrique fantôme, dans les soutes de la Sibérie, dans les placards des derniers appartements communautaires de Saint-Pétersbourg ou dans les arrière-boutiques de la société coréenne.
Que veut-elle dire en montrant, développant, exposant, éditant ? Qu’une image vaut mieux qu’un long discours ? Qu’un instantané a valeur de pérennité ? C’est sûrement beaucoup plus compliqué. En Corée, en Île-de-France ou à Deauville, c’est toujours très difficile de photographier l’intimité. Elle ne se précipite pas sur son appareil photo, elle écoute et fait parler les gens de leur vie. Pendant ce temps-là, ses yeux, comme un scanner, repèrent les futures prises de vue et mesurent la lumière. Puis elle demande si elle peut aller aux toilettes, lieu intime qui raconte toujours l’histoire de la famille : photos, journaux, papier toilette. En sortant, elle demande « innocemment » qui est le petit garçon sur la photo, la marque du papier toilette… et là c’est le sésame, on lui propose de visiter l’appartement. Elle réussit à photographier la garde-robe, la propriétaire dans son lit en chemise de nuit ou sous la douche. C’est une technique d’investigation qu’elle n’avait évidemment pas quand elle a commencé la photo.
Au fil du temps, Françoise Huguier a entrepris de raconter sa vie en se penchant sur celle des autres (…) Mais, comme un paradoxe excitant, c’est peut-être quand elle est au plus proche d’un modèle autobiographique que Françoise Huguier s’en éloigne le plus.
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Gérard Lefort, critique