Witness, 2017
“Nous sommes tous les témoins passifs d’une barbarie sans cesse renouvelée”.
Günter Grass
C’est un essai photographique sur la représentation de la guerre contemporaine à travers les médias dans lequel j’analyse l’impact des images d’actualité et la violence qu’elles véhiculent.
C’est une réflexion sur le sens des images, sur ce qu’elles suggèrent et transmettent, sur leur pouvoir de brouiller nos repères entre réalité et fiction.
Ce travail s’inscrit dans la continuité de mes recherches photographiques sur le thème de la mémoire et fait écho à ma thèse de Doctorat qui était consacrée à la guerre d’Espagne vu par le prisme de la presse illustrée.
Cette série photographique a été réalisée à partir de détails d’images issues de notre culture visuelle : internet, smartphones, jeux vidéo, télévision et cinéma. Ces images (re)-transformées puisent autant dans l’information réelle véhiculée par les reportages d’actualité et les films que dans la réalité virtuelle des jeux vidéo. Ces images fixes réalisées dans un style volontairement flou voire bougé renvoient aux images troubles de la mémoire, elles sont le contrepoint des images en mouvement.
En sélectionnant et en réinterprétant ces images de guerre contemporaines, j’ai souhaité leur conférer une portée symbolique et une dimension iconique absentes de leur contexte d’origine.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis nous sommes entrés dans le règne de l’image immédiate. Avec l’utilisation compulsive d’internet et des réseaux sociaux, les guerres moyen-orientales ont fait irruption de manière intrusive et quotidienne dans notre intimité. La guerre dans ces pays se fait en direct et nous assistons via les médias à une information en continue du terrorisme et des conflits du Moyen-Orient. Nous sommes noyés par un flux ininterrompu d’images violentes que nous ne savons ni décrypter ni analyser.
En Irak et en Syrie, une véritable guerre psychologique a vu le jour de part et d’autre des belligérants (occidentaux et moyen-orientaux) qui utilisent les mêmes armes médiatiques : le moteur du crime devient la preuve par l’image. Dans un monde où tout le monde s’imagine photographe et où les civils et les combattants sont souvent eux-mêmes reporters de guerre par l’intermédiaire de leurs smartphones, une surenchère d’images hyperréalistes présente la guerre en temps réel. Cette monstration de l’horreur à la télévision et sur le web a pour effet de propager la peur et l’effroi, de choquer tout en cherchant à manipuler le regardant, à l’instar des vidéos de propagande diffusées par Daech.
Les images présentées dans la série Witness participent à ce travail de mémoire et d’identification. Elles sont le témoin silencieux de la folie des hommes d’aujourd’hui et font écho aux images de guerre qui ont marqué l’homme du XXe siècle.
La série Witness est construite comme un reportage de guerre fictif qui met en exergue la confusion des images. Ces photographies par leur symbolique renvoient à l’universalité iconographique de la guerre.
François Fontaine