Welcome, 2016
Depuis la nuit des temps, les populations ont migré. Il y a désormais plus de réfugiés et de personnes déplacées qu’à aucun moment dans l’histoire.
Parmi ceux qui partent en exil, certains sont plus vulnérables que d’autres. En 2015, un demandeur d’asile sur quatre était un enfant, certains n’étant pas accompagnés par leurs parents. Ceux-ci les ont envoyés en exil car ils ne voyaient pour eux aucun futur possible dans leur pays. D’autres ont perdu leurs parents en chemin. Des milliers de mineurs non accompagnés sont arrivés par la mer. D’autres ont marché des milliers de kilomètres. Ils arrivent toujours plus jeunes.
Entretemps, les frontières ferment. La peur et la xénophobie explosent dans une Europe en crise. Le climat est tendu et paranoïaque. En 18 mois seulement, le terrorisme a coûté la vie à 236 personnes en France seulement.
Qais, Mohammed, Omar, Mansoor, Jamshed, Qudratullah, Sulaiman, … Ils ont marché des mois durant afin d’atteindre un lieu où ils pourraient construire une nouvelle vie. Ils ont fui la guerre, les persécutions, le terrorisme, les mariages forcés, la faim. Ils ont vécu des expériences traumatiques d’une violence inouie. Ils ont été la cible de tirs. Ils ont croupi en prison. On leur a parfois tout volé. Ils ont été privé de nourriture des jours durant. Ils ont dû se cacher dans le coffre d’un bus. Ils ont parfois été victime d’exploitation par des trafiquants.
Malgré la force qui leur a été nécessaire pendant ce long exil, ce sont toujours des enfants. Ils sont majoritairement des garçons entre 16 et 18 ans. Tout quitter est une rupture brutale. Sans le support de leur famille, de leurs amis, ils doivent se reconstruire dans une environnement inconnu. Certains d’entre eux ont déjà acquis une certaine autonomie dans leur pays, et pendant leur voyage. Mais il doivent maintenant apprendre à être responsables, a faire des choix et faire partie d’une société avec d’autres codes et d’autres valeurs.
J’ai moi-même émigré aux Etats-Unis . En 1996, à 27 ans, j’ai tout vendu et je suis partie à New York pour poursuivre une carrière de photographe. Avec toute l’arrogance d’un master en économie, il ne m’est jamais venu à l’esprit que j’étais une immigrante.
J’ai rapidement compris ce que cela signifiait, après une série de petits boulots qui incluaient distribuer des flyers à Times Square, faire la lessive des autres, griller des bagels à la chaîne dans un diner bon marché ; servir de modèle pendant des heures dans des cours de peinture. Il m’a fallu des années pour m’en sortir économiquement.
L’ironie est qu’après quinze ans, j’ai décidé de rentrer en Belgique afin de pouvoir élever ma fille dans un environnement plus sûr.
Je ne peux pas concevoir qu’un jour, je pourrais ne pas avoir d’autre possibilité que d’envoyer mon enfant seul sur la route, et l’exposer à un voyage si périlleux.