Usine Renault sur l’île Seguin, 2003
J’ai eu la chance de pouvoir réaliser pendant l’hiver 2003 une série de prises de vue à l’intérieur de l’usine Renault située sur l’îlot Séguin. La lumière d’hiver qui rentrait de toutes parts dans cette cathédrale industrielle désaffectée et vidée des chaînes de montages, mettait en évidence un extraordinaire parcours de la couleur. Ce qui autrefois constituait une signalétique ou un environnement de différenciation des zones d’activité, devenait pour moi un fil conducteur strictement photographique. J’étais soudain fasciné par la liberté de cette couleur capable même de réapparaître sous la poussière du sol, à la faveur du travail de la pluie s’infiltrant par les verrières trouées.
J’avais aussi l’impression que cette usine était vivante, de manière souvent sinistre, car le travail de la rouille jetait parfois au sol ce qui était encore debout hier. Tout bougeait et tout était promis à une démolition définitive.
L’anecdote de l’ajout récent de graffitis, permis par la désaffection de l’île, n’était pas mon principal intérêt. Je voulais avant tout transposer l’espace de l’ancienne usine, ses trouées, ses perspectives ou ses clôtures. La verticalité et le recours systématique au sol pour ancrer mes images, étaient aussi un parti pris déterminant de respect du lieu, de sa lisibilité immédiate, et ce pour ne pas céder à la tentation de l’abstraction.