Thailand, Masters, 2009
« Alors que je patientais à un feu rouge dans la périphérie de Bangkok, deux statues de moines de taille humaine m’ont interpellé. L’une représentait Lhuang Por Toh Brahmarangsi (Le père Toh, 1788-1872) du Temple Rakhang ; l’autre représentait Lhuang Pu Tuad (Le grand-père sacré, entre 1582-1662) du Temple Chang Hai.
A leur vision, j’eus quelques frissons. Ils donnaient l’impression d’être vivants. Comme si ces moines vénérés étaient revenus dans notre monde pour s’installer sur le bord de la route, afin de montrer leurs prouesses religieuses aux passants.
Ce sentiment bizarre s’est accentué lorsque j’ai vu, derrière eux, une boîte en verre à l’intérieur de laquelle il y avait des répliques de 30cm de moines encore plus célèbres. Ces miniatures de résine avaient été réalisées de façon tellement ressemblante par les artisans thaïlandais, qu’on avait l’impression de se retrouver devant les fameux personnages de Mme Tussaud.
Un pas de plus franchi par les bouddhistes thaïlandais dans le commerce des icônes sacrées, facilement reproductibles et s’appropriant les célébrités du culte occidental pour le monde ecclésiastique thaïlandais avec tout le commerce des amulettes qui en dépend.
Personne ne sait quand a commencé le culte pour ces icônes des maîtres bouddhistes. Avant nous vénérions les statues de Bouddha, symbole du grand maître et de ses enseignements. Les statues de Bouddha représentent un concept plus qu’un individu. Le culte des maîtres met en avant ces personnages mythiques et le pouvoir de leurs bénédictions, venant en contradiction directe avec le message de Bouddha qui enseigne la confiance en soi et qui invite à ne se consacrer qu’aux enseignements.
Plus les technologies et le marketing progressent, plus les produits deviennent compliqués et originaux, plus, de mon point de vue, on s’éloigne de la voie que Bouddha nous conseille. Tout devient flou et rien n’est clair, même quand nous regardons les grands maîtres. »
Manit Sriwanichpoom