Sweet Nothings, 2007
Je vivais et travaillais dans la région depuis près d’une décennie, et en Turquie même depuis plus de quatre ans. J’étais attiré par les idées de frontières et d’appartenance. Une image durable qui m’avait toujours frappée partout où je voyageais était celle des écolières dans leurs petites robes bleues, les mêmes dans chaque ville ou village.
Ces robes avec leurs cols en dentelle et les doux messages brodés sur les corsages, étaient le symbole de l’État turc, mais les filles qui les portaient étaient tout simplement des petites filles. Dans les régions frontalières de l’Irak, de l’Iran, de la Syrie et de l’Arménie, les robes étaient toujours les mêmes.
La vie est difficile ici, et la vie des petites filles qui l’habitent est tout aussi dure. J’ai voulu faire une série de portraits de ces filles dans les régions frontalières. Connaissant leur statut, je voulais donner un espace aux filles pour qu’elles puissent avoir un moment d’importance devant une caméra. J’ai décidé d’utiliser une méthode plus lente et formelle pour créer cet espace. Chaque cadre a été fait à la même distance pour assurer une sorte d’égalité à chaque fille. J’espérais que le symbole de l’uniforme, la distance dans la répétition, et l’austérité du paysage représenteraient une chose, mais j’espérais aussi plus que tout, dans les expressions des visages des filles, attirer l’attention sur l’idée de ces jeunes filles en équilibre au moment « juste avant ». Le moment où se trouve la possibilité, un moment où la présentation de soi bascule dans la conscience.
J’ai demandé au groupe de jeunes filles de se présenter avec leurs amis choisis ou avec leurs sœurs. Parfois, elles se présentent seules. Parfois, j’ai demandé de faire un autre cadre d’une fille individuelle.
Elles étaient à la fois excitées, curieuses et un peu nerveuses.
Beaucoup de choses m’ont touché pendant la réalisation de ces images. J’ai été touchée par la gravité de leur comportement devant la caméra, leur fragilité, leur simplicité, leur grâce, leur proximité, mais surtout par leur absence totale de posture.