Spring Song, 2019
Munem Wasif explore constamment l’idée de frontière et réexamine les questions qui entourent sa création. Comment ces frontières se sont-elles construites ? Qui les construit ? Comment sont-elles brisées et reformées ?
Munem Wasif a commencé à visiter les camps de réfugiés Rohingya à la frontière entre le Myanmar et le Bangladesh en 2009. La taille des camps a augmenté de façon exponentielle depuis les violents incidents qui ont commencé en 2017 et qui ont provoqué la fuite de centaines de milliers de réfugiés vers le Bangladesh. L’artiste est incapable de taper correctement le mot « Rohingya » car son ordinateur ne dispose pas de programmation en langue birmane. Au Myanmar, le mot « Rohingya » est supprimé du discours officiel au profit du terme « Bengali ». Sérigraphiée sur une carte coloniale britannique, la typographie déformée du mot « Rohingya » laisse supposer que le Myanmar nie l’existence de ce groupe ethnique qui vit à l’intérieur de ses frontières depuis des générations.
« Dark Water » est une série de photographies en noir et blanc qui semble inoffensive au premier abord : des masses d’eau sombres et sans traits – l’océan vide dans sa forme la plus ordinaire, un rappel brutal de ce que les Rohingyas ont traversé pour échapper à une exécution massive. Rappelant des détails déchirants, Wasif juxtapose des textes et des images pour révéler la fuite des réfugiés en mer. L’œuvre reflète le flux constant de migration dans la baie du Bengale, où les lignes de frontières se perdent dans les ombres de la nuit.
À quoi pouvez-vous vous accrocher lorsque vous fuyez pour sauver votre vie ? Comment pouvez-vous être, appartenir ou vous installer lorsque personne ne vous accepte comme citoyen ? Comment prouver légalement votre existence même après des décennies de violence systémique ? Spring Song (2017-2019) est un travail en cours qui tourne autour des objets trouvés dans les camps. Placés sur des fonds monochromes, ces assemblages précaires, ces documents en décomposition et ces photographies délavées véhiculent des souvenirs fragmentés et des sentiments de déplacement. Ces objets sont le témoignage d’une détermination, d’une volonté de manger, de jouer ou simplement de se souvenir de son passé – en d’autres termes, de se sentir humain.