Spasibo, 2013
« La Tchétchénie a gagné, la Russie a gagné ». Les perdants sont peut-être les nombreux Tchétchènes qui ont choisi de s’exiler par honneur. Ceux qui sont restés, ont retrouvé une vie normale et peuvent satisfaire leurs besoins fondamentaux après plusieurs décennies de difficultés. Une « vie normale » leur impose cependant de faire des compromis, et souvent de tenir leur langue. Il n’y a pas d’alternatives pour ceux qui veulent travailler, avoir une maison et continuer leur vie. Dans cet état de stagnation rassurant, les autorités contrôlent tout, distribuant les faveurs à leur guise. La violence physique si présente dans les années post-conflit, les enlèvements et les exécutions sommaires semblent également avoir diminué : les Tchétchènes sont tellement effrayés que ces actes de violence ne sont presque plus nécessaires. La violence est désormais psychologique, une forme de lavage de cerveau qui commence dès le plus jeune âge.
Le travail sur l’identité tchéchène, entrepris par Davide Monteleone, se révèle finalement être une étude sur le compromis ; celui auquel consent de force les habitants du pays en échange d’une vie « meilleure ». Un constat qui rappelle ce que Yermolov écrivait au tsar Nicolas Ier lors de la campagne du Caucase : « Les tchéchènes sont un peuple guerrier : difficiles à conquérir, simples à acheter ». « Merci, Razman, merci la Russie » pour tout. « Spasibo » (ndlr. « Merci » en Russe) – Genevieve Fussell, The New Yorker – 6/11/13