Songe d’oubli, 2015
Je rêve que j’écris ce récit. Les images se succèdent et virevoltent autour de moi en un tourbillon vertigineux. Je me vois en train d’écrire sur le cahier comme enfermé dans une parenthèse à l’intérieur du rêve, dans l’œil d’un cyclone de silhouettes qui me sont à la fois familières et inconnues, qui émergent du brouillard, se manifestent un instant, circulent, parlent, gesticulent, puis se tiennent coites telles des photographies, avant de se perdre dans l’abîme de la nuit, écrasées sous l’avalanche de l’oubli, et d’être englouties dans l’inquiétante quiétude des eaux du lac.
Dans ce lointain brumeux de l’oubli tout est écrit, et les êtres et les choses semblent enveloppés de la lenteur de ce qu’on commence à peine à se rappeler, de ce qui vient de s’éveiller à la vie renouvelée du souvenir. Sur la page du cahier où j’écris, le rêve projette, diffuses et imprécises, les images qui conservent encore la torpeur et la laxité de leur propre songe d’oubli.
Salvador Elizondo, Elsinore