— Lost in China, 2005
A l’été 2005, je suis parti en résidence au Musée d’art du Guangdong, à Guangzhou. J’ai pris le transsibérien jusqu’à Pékin, puis j’ai traversé en train la Chine du Nord au Sud, puis du Sud à l’Est.
Au cours de ce formidable périple, je me suis intéressé au silence des formes, à la densité des matières, à la sensualité des corps et au rayonnement des âmes.
Ce qui m’a impressionné, dans ce pays gagné par une incontrôlable frénésie moderne, c’était sa puissance onirique toujours aussi vive, qui de tout temps faisait rêver l’Occidental que j’étais.
J’ai choisi de transposer la réalité brute de ce que je percevais en une symphonie de couleurs et de sensations, où la poésie et le rêve seraient rois. Dans les trains (compartiments, couloirs, quais de gare), comme dans les villes (hôtels, restaurants, musées, jardins), chaque fois une fenêtre sur la Chine s’ouvrait à mes yeux de néophyte, mais déformée, transformée, sublimée par le reflet de mon imaginaire.
Face à une Chine fortement architecturée et socialisée, j’ai voulu montrer l’extraordinaire pouvoir de séduction et l’étonnante ambiguïté de ce pays en total bouleversement, qui, quotidiennement, puisait autant dans la magie de son passé que dans la force révolutionnaire de son avenir.
Ce sont les traces, les parfums, les impressions de cette Chine millénaire et extrêmement contemporaine que j’ai voulu restituer dans ce travail photographique, bien loin de l’habituel documentaire. Lorsque je parcourais, chaque jour, les rues de Beijing, de Guangzhou ou de Shanghai, j’avais l’extrême sensation qu’il y avait comme la permanence d’une esthétique chinoise, la puissance d’un « look » particulier à ce pays, qui avait traversé les âges et marquait durablement la Chine d’aujourd’hui.
Fortement influencé par le cinéma asiatique, j’ai construit mon reportage comme autant de plans cinématographiques, cherchant à transmettre par mes cadrages et mon approche coloriste une kyrielle d’espaces de liberté, loin de la pensée unique encore si vive dans ce pays.
C’est en me perdant dans les arcanes urbaines d’une Chine subliminale, rêvée et fantasmée, que j’ai donné vie à ce voyage imaginaire.
François Fontaine
— Japanese Whispers, 2008
Voyager au Japon était un rêve d’enfant. Depuis toujours, j’observais sur les murs de notre maison les estampes d’Utamaro et d’Harunobu que mon père, officier de marine, avait rapportées d’un séjour là-bas. En partant au Japon au printemps 2008, je retrouvais cet univers qui m’était si familier.
Tout au long de ce voyage un vague flottement m’accompagnait. Comme les shoji, ces portes qui glissent silencieusement dans les rainures en bois des temples et des maisons traditionnelles, j’étais plongé dans un monde silencieux et vaporeux.
La ressemblance qu’il y avait entre les gens et la nature était ce qu’il y avait de plus frappant. Les figures furtives entrevues dans les bars de Shinjuku à Tokyo, les frêles silhouettes glissant dans les ruelles de Gion à Kyoto ressemblaient étrangement à celles des estampes de mon enfance. Tout comme les formes hybrides et fantastiques que recouvraient les arbres et les bambous des jardins de Kanazawa et de Kamakura.
Les lieux et les paysages étaient empreints d’une atmosphère fantomatique troublante. Les frôlements et les bruissements quotidiens résonnaient en moi comme des « chuchotements ». Le Japon, plus que tout autre pays, m’a donné la sensation extrême de me fondre dans la nature et de flotter sur les nuages.
François Fontaine