Quand la Guerre s’invite dans les foyers, 2018
Le 28 avril, la famille Ibrahim Khil n’a pas fermé l’œil de la nuit à cause du bruit des balles et des roquettes qui claquaient et explosaient devant leur maison. Hamisha Gul, le patriarche, craignait que les 24 membres de sa famille élargie ne survivent pas à la nuit. Les enfants, eux, n’avaient pas peur : les bruits de la guerre sont habituels ici, dans le petit village de Saed Tuba, à l’est de l’Afghanistan. Vers 6 heures du matin, les combats avaient cessé, et certains des enfants sont partis à travers les champs de blé asséchés pour se rendre à l’école. L’un d’eux est tombé sur un objet vert terne, de la taille d’un bâton de police, l’a ramassé et est rentré chez lui pour le montrer aux autres. Les récits de ce qu’il s’est passé ensuite varient d’un enfant à l’autre, mais chacun se rejoint sur un point : après qu’une douzaine d’enfants se sont rassemblés, la grenade RPG (propulsée par lance-roquette) est tombée au sol en explosant. Hamisha Gul, 60 ans, alors à presque un kilomètre de là, a entendu l’explosion malgré le bruit de son tracteur. Lorsqu’il s’est retourné, un nuage de poussière s’échappait de sa maison.
Après 17 ans de guerre entre les talibans et les forces afghanes, appuyées par les troupes étrangères, la violence continue à se manifester régulièrement. Des talibans ont tué des dizaines de personnes en ciblant les élections législatives des 20 et 21 octobre. Trois jours plus tôt, la quasi-totalité des dirigeants de Kandahar avait été décimée lors d’une attaque qui avait failli coûter la vie au général Austin S. Miller, commandant de la mission Resolute Support de l’OTAN.
Les civils ont payé un lourd tribut dans ce conflit de longue date. Beaucoup sont tués par des frappes aériennes ou des engins explosifs improvisés déclenchés par des kamikazes. Néanmoins, parmi les 8050 civils tués ou blessés cette année, l’ONU en compte 337 qui l’ont été par des munitions non explosées laissées sur le champ de bataille. 90 % d’entre eux étaient des enfants.
En 2014, la guerre était de retour. Leur village dans la province de Surkh Rod est devenu un No man’s land, coincé entre une route contrôlée par le gouvernement et la montagne noire des Talibans, ainsi nommée parce que la neige n’y tombe jamais. Cette année-là, les forces internationales ont remis la responsabilité de la sécurité du pays au gouvernement afghan, et les talibans ont commencé à attaquer les soldats afghans stationnés sur la route. Les anciens de la région ont supplié les deux camps d’éviter les affrontements près de chez eux, mais cela n’a rien changé, malgré la compréhension des combattants.