Patrice Lumumba Avenue, 2008
« La fragilité de ce paysage étrange et magnifiquement hybride, en lutte contre les calamités qu’il a endurées ces cinquante dernières années, recèle une identité indéniablement africaine. C’est de cette identité dont je me suis emparé. » (Guy Tillim)
Patrice Lumumba, vainqueur des élections au Congo après l’indépendance de la Belgique en 1960, fut l’un des premiers chefs politiques élus d’Afrique. Le discours qu’il prononça lors des célébrations de l’indépendance, en présence du Roi des Belges, fit de lui un héros de la cause africaine : « Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres… Nous avons connu nos terres spoliées au nom de textes prétendument légaux, qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort ». Pour avoir ainsi proclamé son opposition au néocolonialisme occidental, il fut assassiné en janvier 1961. Aujourd’hui encore, dans de nombreuses villes africaines, des rues, des avenues, des places portent son nom.
De 2007 à 2008, Guy Tillim a parcouru tour à tour la République Démocratique du Congo, le Mozambique, Madagascar, le Bénin, le Ghana, l’Angola – et a saisi dans chacun de ces pays le vide visuel laissé par des années de vacuum politique. Ses images montrent les restes de la « grande époque », le non-sens criant de certaines activités et des structures qui lui ont survécu- les piscines vides de palaces abandonnés, des fonctionnaires démunis dans des bureaux en forme de décors de théâtre – l’absurdité beckettienne d’un « après » en mal d’identité. Guy Tillim insiste sur le fait que ces images ne sont pas un témoignage sur l’effondrement des Etats africains postcoloniaux mais une errance photographique « au fil des avenues des rêves » et, notamment, celui de Patrice Lumumba. Ce sujet est également une réflexion personnelle : « La terre où je suis né m’est devenue étrangère à mesure que je la découvrais. Le désir de photographier cette scène est moins lié à la volonté d’en poser le décor que de m’y situer moi-même. »