Pink Man Begins
L’idée de Pink-Man m’est venue quand je suis allé faire du shopping dans un nouveau centre commercial. Ce centre commercial est très grand, aussi grand qu’une usine, c’est très lumineux. On y trouve tous les produits bien rangés sur des rayons. Ils étaient nombreux à être venus remplir joyeusement leurs caddies et à faire la queue pendant des heures aux caisses, comme s’ils étaient dans un parc d’attraction. Jusqu’à quel point la société de consommation nous a endoctriné ? Jusqu’où va-ton aller à juger quelqu’un sur ce qu’il possède ?
Pink-Man est l’expression de ma peine et de mon sentiment d’aliénation face à la société de consommation qui a été acceptée simplement et sans considération par la société thailandaise. J’ai le sentiment que le système nous a enrôlé à notre insu. De plus, nous sommes obligés de vivre avec : il y a une tendance à la standardisation. Pink-Man déambule calmement et sans sourire, tel un robot, dans le quartier des affaires de Silom Street, où vont manger sur le marché de La-lai-sap (le marché du brassement d’argent) les hommes et femmes d’affaire. En général, le rose est considéré par la classe supérieure en Thaïlande comme la couleur du mauvais goût et de la vulgarité du monde de la nuit et des comédiens. Ce sont pour ces raisons que j’ai volontairement utilisé le rose afin de renverser les tendances esthétiques de l’art local.
Les performances artistiques de Pink-Man par Sompong Thawee
Pink Man on Tour, Thailand
« L’homme rose en tournée » célèbre la campagne Amazing Thailand, la campagne de promotion touristique du gouvernement thaïlandais.
Selon Manit Sriwanichpoom, il s’agit d’attirer le maximum de touristes pour encaisser des dollars faciles, en vendant notre culture et nos ressources naturelles.
Horror in Pink
Manit Sriwanichpoom utilise des photographies en noir et blanc prises lors des massacres du 6 et du 14 octobre 1976 à Bangkok.
A l’époque, le ministre de l’intérieur Samak Sundaravej avait ordonné d’utiliser la force contre les manifestants pro-démocrates. En 2000, ce même Samak Sundaravej est élu gouverneur de Bangkok. Manit Sriwanichpoom ne comprend pas cette élection.
Dans ces photographies d’époque très violentes, l’artiste vient ajouter une image en couleur de Pink Man. Ce personnage semble observer ces scènes de barbarie avec beaucoup de recul, il les regarde comme un spectacle ordinaire. Plus que dans toute autre série, Pink Man est représenté comme un homme sans âme et sans conscience. Ces photomontages montrent la préoccupation de Manit Sriwanichpoom pour l’état de la conscience collective Thaïlandaise. Il semble suggérer que les leçons de l’histoire n’ont servi qu’à l’instauration d’un système de valeurs basé sur la satisfaction des pulsions de consommation.
Pink Man on European Tour
Pink Man, symbole de la consommation et de la vulgarité, déambule avec son caddie rose et fait du shopping pour amuser les touristes.
Comme la plupart des touristes aujourd’hui, il ne voyage pas pour apprendre mais pour consommer : Il veut collectionner les destinations exotiques, faire du shopping, frimer, se ressourcer dans des hôtels usés qui importent plus de biens qu’ils n’en exportent. Les hôtels s’enrichissent alors que le pays s’endette.
Pink Man in Paradise (Mister Pink Series), Bali
Manit Sriwanichpoom met en scène Mister Pink dans différents lieux de Bali, moins d’un an après l’attentat. Seul, tel un touriste perdu, il pose devant des temples sacrés, des paysages emblématiques du tourisme d’antan.
Au milieu de la nuit du 12 octobre 2002, une bombe explose à la sortie d’une boite de nuit Balinaise, tuant 202 touristes, surtout des Australiens, et blessant sévèrement des centaines de personnes. Il s’agissait d’une attaque terroriste sans précédent, jamais vue dans ce paradis tropical touristique.
Avec cet acte, les terroristes islamiques firent voler en éclats ce lieu de fête qu’ils considéraient être la manifestation de l’enfer sur terre, ne laissant derrière eux, parmi les ruines, la panique, et l’incompréhension, que peines et chagrins pour ceux qui ont perdu leurs proches. Pour nous autres, il était désormais clair que « plus un endroit n’est sûr ».
La guerre contre le terrorisme, menée par le président George W. Bush et ses alliés, semble ajouter de l’huile sur le feu au lieu de traiter cette question à sa source. Le tapis a été retiré sous nos pieds. Même pour Pink Man, l’incarnation de la société consumériste.
Pink Man in Venice
« Tout l’univers visible n’est qu’un magasin d’images »
Manit Sriwanichpoom met en scène Pink Man en décalage avec le paysage, dans une culture qui perd toute son âme à cause du consumérisme.
Hungry Ghost
Avec son caddie qui lui permet d’emmagasiner et son téléphone qui lui permet de communiquer, Pink Man souhaite conquérir le monde. Il est comme un fantôme affamé dans une société où tout se consomme, enfermé dans un confort hi-tech qui l’emprisonne.
« Si King-kong incarne le sauvage indomptable et Godzilla la revanche de la nature à l’ère du nucléaire, Pink-Man le monstre incarne sûrement l’extrême opposé. Il est là, dans sa veste brillante et rose, un bon résumé du monstre humain contemporain, comme le capitalisme l’a construit et dompté. Tout son être est guidé par les règles de la cupidité insatiable, il n’est contrôlé par aucun système de croyance qu’il soit sociétal, politique ou religieux.
Il est devenu un de ces fantômes affamés que les bouddhistes dévoués sont censés plaindre et protéger en leur envoyant des pensées positives. Par ces actes de bienveillance, nous souhaitons nous protéger du mal. Seulement, nous sommes déjà en enfer dans cette course aux nouvelles technologies. Comme il étrange que nous ayons tenté de tuer King-Kong et Godzilla, alors que nous tolérons Pink-Man, ce monstre de la consommation ! Il erre dans nos rues avec impunité, et nous n’en faisons rien. »
Life in Pink, Paris
Avec cette série, ce que Manit Sriwanichpoom nous montre, c’est la consommation comme illusion, comme le simulacre du bonheur. Voir la vie en rose, ce n’est pas voir la vie, c’est la couvrir d’une peinture rose qui efface les spécificités de la culture et les particularités de l’humain.
Il cherche à montrer qu’il n’y a plus d’intérêt réel pour ce qui est vu ou visité. Le but de Pink Man est de traverser le plus de lieux possibles avec son caddie, objet dans lequel tous ses désirs sont accumulés et incarnation du plaisir de consommer. Le bonheur est réduit à cet objet, telles les photographies de vacances engrangées par les touristes pour montrer qu’ils ont voyager.
La culture n’est ni appréhendée, ni appréciée, elle est consommée. L’artiste dénonce les dérives consuméristes de notre société avec une de ses photographies qui, par exemple, évoque immanquablement une peinture de Manet. En assimilant son personnage à ceux du « Déjeuner sur l’herbe », il montre que Pink Man souhaite rendre toute chose à son image, en les imprégnant de vernis rose.
Si dans la culture française et occidentale, cette couleur est associée au bonheur et à l’amour, dans le cas de l’artiste, elle est associée au mauvais goût et à la vulgarité.
Beijing Pink
Manit Sriwanichpoom, photographe thaïlandais, est connu pour ses variations autour de la figure de son personnage Pink Man. Beijing Pink est sa série la plus récente. Dans cette dernière, un Caddie Rose (de supermarché) a remplacé le Pink Man comme symbole de la globalisation actuelle.
Le Caddie Rose, esprit fantomatique du consumérisme, est disposé, bien visible, dans les rues de Pékin alors que la ville se grise du développement effréné qu’elle connaît.
Ce caddie est le témoin silencieux des changements qui s’opèrent entre passé et modernité…révélant ainsi l’expression des conflits qui se jouent entre les lieux imprégnés du pouvoir, et ceux qui l’ont perdu.
Les 18 images de cette série explorent la signification d’objets dans un environnement social, par le biais de leur confrontation avec le Caddie Rose. Les contradictions émergent de ces scènes silencieuses dévoilant la vanité du culte du pouvoir et de la force comme caractéristiques cruciales de l’expansion de la ville. En poursuivant cette création allégorique, Manit Sriwanichpoom transforme l’observation et la critique sociale en une symbolisation poétique qui ouvre sur un questionnement de la réalité.
Pink Man Opera, Thailand
« Percevoir les paroles du diable comme le lotus »
« Ceux qui nous aiment s’allongent sur une peau de bête ; ceux qui nous détestent sur un paillasson »
« Ne dévoile pas les secrets de famille ; n’amène pas les problèmes de l’extérieur »
« Une fleur de lotus ne peut cacher un éléphant mort »
« Un aveugle tâtonne pour voir un éléphant avec ses mains »
« Un pilon à la main, et les principes religieux dans la bouche. (Celui qui porte une arme et parle de moralité est un hypocrite) »
« Qui incite les gens à danser, perce un bateau pour qu’il prenne l’eau »
« Les Tigres qui se prélassent vont manger »
Proverbes Thaï.