Mauvais souvenirs, 2023
2004. Pologne. Je photographiais le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz où plus d’un million de personnes, en grande majorité juive, furent tués par les nazis. C’était l’hiver. J’étais seul à marcher au milieu des baraquements. La présence de la mort étaient partout. Pour me réchauffer, il suffisait juste que je traverse la route pour me rendre dans un fast food. On pouvait y prendre un café chaud et un bon hamburger. A côté il y avait également un restaurant gastronomique, le meilleur de la ville d’Oswiecim et un hôtel en construction. Le maire de la ville voulait faire du camp une destination touristique. Des objets de souvenir commençait a y être vendu. Dans une des boutiques, j’achetais des magnets pour frigidaire avec, en photo, l’entrée du camp et la terrible phrase « Arbeit macht frei » : un objet qui me frappait par sa banalité et dont la destination utilitaire m’apparaissait infamante et m’interrogeait sur le rapport que notre société entretient avec la mémoire.
Très vite, durant mes reportages, j’ai commencé à chercher systématiquement ces souvenirs de voyages : Tchernobyl et sa boule de neige de la catastrophe ; Poutine décliné sous plusieurs formes à travers le temps ; Ben Laden après le 11 septembre.
Ces objets ont perdu leur fonction mémorielle, objets dont le but était de se souvenir des douleurs du passé, comme ceux que l’on pouvait vendre pendant la Première Guerre mondiale.
Ils sont devenu des objets de commerce, réduisant les drames de l’Histoire à un clin d’œil, un prétexte sur lequel s’appuyer pour vendre.
Ils piétinent la mémoire des victimes qui ont subit les guerres, la Shoah, les répressions policières, la réduction des libertés.
Et lorsqu’ils ne participent pas directement de la propagande, ils font du drame un ricanement.