Land of Cush, 2010-2012
Le Soudan, le plus grand pays d’Afrique, a vécu un moment important de son histoire. En janvier 2005, un accord de paix entre le Nord et le Sud du Soudan a mis fin à la plus longue guerre civile d’Afrique, dont le bilan est estimé à deux millions de morts. La dernière marche vers la liberté, c’est-à-dire les années de changement baptisées par l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) du Sud, s’est achevée avec le référendum d’autodétermination organisé en janvier 2011. Aujourd’hui, depuis le 9 juillet, date fixée pour l’indépendance, le Sud contrôle 80 % des réserves pétrolières du Soudan, qui reste pourtant l’un des pays les plus pauvres et les moins développés du monde.
Malgré les doutes, les habitants du Sud-Soudan ont pu voter lors du référendum historique, comme prévu, et 98 % d’entre eux se sont prononcés en faveur de l’indépendance vis-à-vis du Nord. Cependant, de nombreux groupes rebelles locaux sont apparus, principalement dirigés par des officiers de l’APLS, et certains ont uni leurs forces pour former une coalition. Si l’indépendance est une chose, le pouvoir et les racines ethniques semblent encore plus forts.
La situation aujourd’hui est sensiblement la même que pendant les vingt-deux années de guerre civile : malnutrition chronique, trois quarts de la population n’ayant pas accès aux soins de santé primaires, absence de routes et d’approvisionnement en eau, problèmes de sécurité croissants. Et il y a des défis majeurs à relever, la fixation des frontières et le partage des terres agricoles, des réserves pétrolières et des eaux du Nil.
Les forces armées du Nord ont pris le contrôle de la ville d’Abyei, violant les accords de paix conclus en 2005, faisant de nombreux morts et des milliers de déplacés.
Les tensions entre le Nord et le Sud se sont concentrées autour d’Abyei, en raison d’un désaccord entre les Ngok Dinka et les Misseriya, les bergers arabes qui ont besoin d’accéder aux pâturages et à la rivière Kiir, ce qui les oblige à traverser la ville avec leur bétail.La prise d’Abyei n’a fait que confirmer les craintes des autorités du Sud-Soudan, qui redoutaient que les différents groupes dissidents des ex-rebelles de l’ALPS ne tracent une ligne partant d’Abyei et allant jusqu’à la frontière avec l’Éthiopie, coupant ainsi les principales régions pétrolières du reste du Sud. En observant la scène depuis Juba, la stratégie supposée du Nord est assez évidente.
Depuis des mois, le gouvernement de Khartoum a relancé la guerre dans les montagnes de Nuba, bombardant les forces de l’APLS du Nord qui se sont battues avec celles du Sud, ainsi que les civils qui, depuis la division du pays, sont devenus de facto des citoyens du Nord, sans la consultation démocratique prévue, dans le but de conserver des terres fertiles et de détruire tout mouvement vers l’autonomie.