L’Algérie d’Est en Ouest, 2003
« …J’ai à nouveau essayé d’aller partout où je le pouvais ; mais voyager en Algérie est, à chaque fois, une expérience douloureuse et difficile. Elle frôle l’indicible. J’ai toujours l’impression de tomber dans un gouffre sans fond d’où jamais je ne sortirai.
Ces allers-retours, même si je ne suis plus avec la famille, sont autant de liens qui se tissent entre ici et là-bas, entre mon histoire et celle de l’Algérie, entre l’autobiographie et la photographie ; autant de traversées, de tentatives pour aller au-delà d’un brouillage du réel, d’une opacité apparente. une approche tout en contradictions qui oscille entre ombre et lumière, avec aussi le passage du noir et blanc à la couleur.
J’ai, entre autres, effectué au printemps 2003 une traversée de l’Algérie d’est en ouest. C’était un projet ancien que j’avais voulu effectuer en 1993 mais auquel j’avais dû, à l’époque, renoncer devant la folie meurtrière que connaissait le pays. Le voyage a duré 25 jours et je suis parti de la frontière tunisienne pour me rendre sur la frontière marocaine.
Ce voyage était géographique, bien sûr: les montagnes de Kabylie, la plaine de la Mitidja, Alger, le centre, l’oranais… il était aussi l’occasion d’aller à la rencontre des gens qui font ce pays, de voir ce qu’il advient d’eux et de connaître leurs espoirs.
J’ai également profité du calme relatif que connaissait le pays pour me rendre dans les zones (région Centre, Mitidja, région ouest) où le terrorisme avait présenté ses formes les plus violentes : grands massacres, arrestations arbitraires, disparitions, etc. dans ces lieux, les populations ont été prises en tenaille entre la violence des groupes armés, l’arbitraire et la terreur des forces de l’état.
C’est lors de ce séjour que j’ai ressenti que mon travail en Algérie, tout du moins sous cette forme, prenait fin. »
Bruno Boudjelal