Inventaire de voyage, 2020
IMAGES MOUVANTES
Les voyages que Bruno Boudjelal a entrepris entre 2006 et 2011 sur le continent africain et qui l’ont conduit du nord au sud, du Maroc à l’Afrique du sud, sont le sujet de la sélection d’images ici présentée.
À l’origine de ce projet il y a une carte blanche donnée par le journal Libération pour effectuer dix voyages. Par la suite, une fois le projet lancé, en raison de multiples imprévus, le photographe bénéficiera du soutien de plusieurs centres culturels français à travers le continent.
Le voyage ne se fait pas d’une seule traite. Le photographe fera l’expérience de situations plus ou moins rocambolesques qui pour la plupart sont l’expression de la difficulté à se mouvoir d’une frontière à une autre sur le continent. Ainsi, il a dû, à plusieurs reprises, rebrousser chemin et repartir un peu plus tard quand les conditions étaient plus favorables. Véritable périple, pour lequel, en bon bourlingueur, il a eu à utiliser toutes ressources à sa disposition, tous les types de transports qu’il pouvait trouver à sa portée : train, voiture, camion, etc.
Plusieurs escales ont jonché sa trajectoire du Maroc à l’Afrique du Sud : (Mauritanie, Sénégal, Mali, Niger, Tchad, Togo, Bénin, Nigeria, Cameroun, Gabon, Congo, RDC, Zambie, Botswana). Avec ce que suppose chaque situation spécifique dans chaque ville, chaque pays traversé. Au Ghana, il est parti sur les traces de Kwame Nkruma puisque l’année où il se retrouve dans cette ville marque le cinquantenaire de l’indépendance du pays. De ce périple découlera un autre projet photographique réalisé en partenariat avec le photographe ghanéen Nii Obodaï et titré « Who knows tomorrow ». Qui a déjà vu les images issus de ce projet, lequel a aussi fait l’objet d’un court métrage mêlant images mouvantes et photographies, les reconnaîtra parmi la sélection d’une cinquantaine d’images réalisées lors de ce grand tour et présentées ici sur un mur de 80 cm de haut sur 10m de long.
PORTAITS & PAYSAGES
Si comme le prétend Nicolas Bouvier, les voyages se passent de motifs, ici le reportage semble être la raison première du déplacement. Mais très rapidement les circonstances vont donner raison à l’auteur du mythique récit de voyage, L’Usage du monde. Bruno Boudjelal croyait faire un voyage mais bientôt c’est le voyage qui le fit en imposant ses règles et ses conditions auxquels il a bien fallu que le photographe s’adapte.
Les quelques photographies couleurs et noir et blanc présentées sur ce long mur, comme un long travelling en plusieurs plans séquences, laisse deviner l’atmosphère qui imprègne chacune des situations capturées. Leur mode de présentation n’est non plus sans rappeler la vision que l’on avoir du paysage qui défile derrière les vitres ou sur les bas-côtés de la route alors que l’on circule abord d’un quelconque véhicule, ou moyen de transport.
On imagine une musique accompagnant le tout et on la devine teinté de mélancolie ou de nostalgie. Le blues du voyageur peut-être, donne sa coloration à l’ensemble. Douce couleur. La technique du flou si caractéristique des photographies de Bruno Boudjelal depuis sa série Jours Intranquilles portant sur son voyage en Algérie sur la trace des membres de sa famille, suggère ici l’idée du mouvement.
La plupart des photographies sont des portraits de personnes croisés sur le trajet ou des paysages traversés. Elles semblent contenir le plus important aux yeux du photographe : le mouvement – rendu par le caractère bougé des images – et des fragments de scène du quotidien capturé parfois comme à la sauvette. Bruno Boudjelal souligne ainsi l’idée qu’il ne fait que passer. C’est comme si, de tout ce qui a pu être vécu durant ce long périple, il ne tenait à conserver que ce qui est ici montré, à savoir le souvenir des personnes côtoyés, croisés et la beauté de certains paysages ou plus largement le contour de ces pays traversés.
Dagara Dakin
Paris octobre 2016