In Absence, 2018
Loin du « tous les jours », loin du quotidien, peut-être loin de nous-mêmes, pour un moment. Pour quoi ? Ou pour qui ? Peut-être l’ignorons-nous. Vers autre chose, c’est tout ce qui compte. Comment vivre sa vie, et pour qui ? C’est une question universelle ; mais alors que les années s’accumulent, je pense souvent que c’est très compliqué pour une femme.
Historiquement, nous vivons des temps émancipés : en Suède, les femmes sont libres de faire ce qu’elles veulent de leur vie. Ceci dit, être une femme signifie naviguer constamment au cœur d’un système complexe de normes et d’attentes qui imprègnent notre époque. Briser les normes est devenu la norme, mais il faut savoir de quelles normes nous parlons. La liberté sexuelle a été acceptée, mais certains types de sexualité sont considérés comme plus libérés que d’autres.
L’hypocrisie et la pudibonderie sont toujours présentes dans le débat public, même en Suède qui est un des pays les plus laïques au monde. Pouvez-vous vivre seulement pour vous-même ? Seulement pour un autre ? Qu’êtes vous autorisée à désirer ? Par qui êtes vous autorisée à vouloir être désirée ? Que signifie être une bonne mère ? Quel type de vie considère-t-on compatible avec la maternité ? Le bonheur, tel qu’il est présenté dans les magazines, les suppléments du week-end et sur Facebook semble toujours le même. Dans cette période libérée, il n’y a pas de devoirs. Pourtant, la plupart des gens choisissent exactement la même chose. Il est aisé de croire que certains libres choix sont plus libres que d’autres.
Le titre de l’exposition de Monika Macdonald, In absence, peut être lu de différentes façons. Il peut s’agir d’une absence non négative, où ce qui est absent n’est pas forcément quelque chose qui manque. Cela peut également receler quelque chose de bon : les gens peuvent grandir, plus forts et plus sereins en l’absence de quelque chose, comme lors que l’on abat un vieil arbre et que la végétation autour reçoit plus de lumière et de nourriture et une nouvelle chance d’éclore. Et cela peut être à propos d’un réel sentiment de perte. A propos de la douleur et du désir.
J’imagine que les femmes dans les photographies de Monika Macdonald sont entre la liberté et la solitude, un lieu avec lequel on peut aisément en finir quand on commence à explorer les possibilités infinies de la vie. Plusieurs de ces femmes sont des mères, et je ne crois pas qu’elles aimeraient être cataloguées seulement comme telles. Elles ne considéreraient pas “mère” comme une identité complète.
Et c’est ainsi que je regarde la sombre, mouvante, sale, magnifique, séduisante collection d’images de cette exposition. Comme une exploration des chemins pour devenir un être humain complet, un être humain complexe, et pas seulement se contenter de n’être que ça. Une impulsion pour une existence qui comprenne la lumière et l’obscurité, une autre strate, au-delà du quotidien. Une existence où quelque chose est un risque. Une place pour des événements qui ne sont pas affichés sur les réseaux sociaux pour être soumis aux “likes” de ses amis.
Je reste devant la photo d’une femme qui sépare ses cheveux et expose son cou. Son visage n’est pas visible. Exposée au regardeur, elle donne une impression de fierté et de vulnérabilité à la fois. Une tête tenue haute, révélant un point sensible : le cou est la cible des loups et des vampires, le lieu où s’abat la lame de la guillotine. L’image contient cela : pour vous abandonner à quelque chose, vous devez vous rendre vulnérable.
Osez sauter dans l’inconnu, même si vous avez peur. Faites un tour en voiture, même si vous ignorez où elle va. » – Therese Bohman, auteur et critique suédoise.