Femen les nouvelles amazones, 2011
C’est la nuit. Quartier de Brejnev à Kiev. Nous avons rendez-vous au bâtiment 29b. « Appelez-moi avant, je descendrai ». Elle ouvre la porte, elle est grande, blonde et très jolie. Nous la suivons dans un couloir qui est sale comme tous les autres bâtiments, mais l’appartement est lumineux et il y a une effervescence. Une chaîne de télévision interviewe certaines des filles. Chacune d’entre elles est militante du groupe féministe Femen, le groupe des féministes ukrainiennes aux seins nus.
Sacha Chevtchenko, 23 ans, est l’une des membres fondatrices. Leur objectif est de combattre le tourisme sexuel et d’éduquer les femmes pour affirmer leur pouvoir. Elles utilisent leur corps comme une arme. « Au début, nous étions très naïves. Nous manifestations avec des ballons en criant des slogans. Personne ne nous écoutait. Mais un jour, sans savoir pourquoi, l’une d’entre nous, Oksana Chatchko, s’est déshabillée. Et là, la presse et les gens ont commencé à s’intéresser à nous.
Depuis lors, chaque semaine, une vingtaine de militantes comme Sacha organisent des manifestations topless dans les rues. Elles se disent les héritières de la révolution Orange de 2004 ; même si elles ne se reconnaissent pas dans un monde politique dominé par les hommes, et encore moins par Loulia Timochenko, femme politique ukrainienne qui « n’a rien fait pour les femmes ».
« J’ai été arrêté une quinzaine de fois par la police, la première fois c’était un peu bizarre d’être nue dans la rue. Maintenant, c’est devenu habituel », dit Inna, 21 ans. Elle est responsable des actions politiques du groupe. Elle a rejoint le groupe Femen après s’être déshabillée lors d’une réunion du conseil municipal à Kiev pour protester contre le manque de femmes dans le gouvernement du président Viktor Ianoukovitch.
Leur action choque les féministes traditionnelles, mais Anna Hustol, la responsable des femmes, estime que la vieille génération est effrayée par la nudité des femmes. « Mais nous, nous avons compris que notre corps pouvait devenir une arme. C’est pourquoi nous l’utilisons comme une bombe. Nous sommes la résistance à une société machiste. Notre rêve est de devenir un groupe féministe international qui pourrait toucher l’opinion publique sur toutes les injustices envers les femmes ».