Eden, 2024
Voyager au Japon, c’est partir à la découverte d’un monde mystérieux, indéchiffrable. Vagabonder sur des sentiers insolites et se perdre au cœur d’une nature façonnée par un peuple qui la vénère. S’immerger dans un univers sensoriel et esthétique qui émeut autant qu’il interroge.
Pendant deux mois, j’ai parcouru le pays du Sud au Nord, en suivant la floraison printanière du pays.
Depuis la ville de Kagoshima, j’ai remonté l’île de Kyūshū puis celle de Honshū, jusqu’à la ville sacrée de Nikkō. Selon un itinéraire précis, en privilégiant les parcs et les jardins autant que les sanctuaires et les lieux de pèlerinages.
En travaillant au Leica avec des films argentiques, sans contrôle sur ce que je produisais. Mais avec le désir de transposer, en images, les émotions suscitées par le spectacle d’une nature en pleine métamorphose.
Au cours de ce périple, je me suis laissé imprégné par la douceur du printemps et la splendeur des floraisons. En partageant la coutume ancestrale du hanami qui consiste à contempler la beauté des fleurs, principalement les fleurs de cerisier que l’on appelle sakura.
Davantage que les gestes délicats et les regards émus des adeptes de cette tradition, ce sont les éléments de nature et leurs détails qui m’ont inspiré. Les jeux de lumière dans les frondaisons, les formes graphiques dans les ramures, les matières colorées sur les sols détrempés, les reflets des arbres sur les étangs.
Plaisir éphémère et moment fugace ont pris alors tout leur sens face à ces compositions chromatiques, vibrantes et sensorielles, à la croisée de l’art oriental et occidental.
Des petits poissons rouges évoluant dans un bassin faisaient écho à un tableau de Matisse, des bouquets d’arbustes mauves et orangés bordant un ruisseau à une toile de Gauguin, des nymphéas flottant sur des eaux troubles à une œuvre de Monet.
Au Japon, la nature est imprégnée de mystère et de magie. Les animaux -daims de Nara ou hérons de Kyōto- semblent surgir d’un haïku ou d’un conte pour enfant et les plantes, stylisées et colorées, d’une estampe japonaise.
Cette spiritualité qui émane de la nature trouve une résonnance dans la flamboyance des romans de Mishima, la poésie des films de Mizoguchi et la féérie des images animées de Miyazaki.
Les paysages japonais semblent incarner l’âme tout entière de ce peuple profondément animiste et les êtres fusionner avec les éléments naturels qui les entourent, provoquant chez celui les admire un éblouissement total des sens.
Tout en lui donnant l’impression de vivre dans un rêve éveillé, à chaque instant.
François Fontaine