Diego, 2015
Ces photographies ont été réalisées au cours d’une résidence de création à Grand Quevilly (périphérie de Rouen) sur une invitation de La Maison des arts à l’été 2015 dans le cadre de l’exposition personnelle « Devenirs » en octobre 2015 qui regroupait 4 de mes travaux (Va t’en me perdre où tu voudras, Ar gouren, La ritournelle, Diego).
Sur le trottoir opposé, je remarque un petit garçon aux cheveux longs habillé tout en jean, la taille serrée par une ceinture à grosse boucle. Ne le laisse pas filer. « Tu ressembles à un petit cowboy qui aurait égaré son chapeau. »
Diego sourit timidement, ses longs cils couvent de grands yeux bleus remplis de mélancolie comme ceux des personnages de Charley Toorop. Je l’accompagne chez son père. Un chien aboie sans s’arrêter, ce genre de chien oedipien qui nous invite à régresser ; personne ne lui dit de se taire. Diego ressemble à sa mère, il est habillé comme son père.
L’homme formidable a le dos en bois, il s’assoit dans l’unique fauteuil de la pièce aux murs tavelés, bascule sa tête en avant, ses yeux plissés éblouis fixent le ciel trop gris et son corps s’assoupit sans que je m’en aperçoive.
La série se situe entre fiction et réalité, évoquant l’histoire de la ville quand le bourg devint trop étroit pour recevoir la main d’oeuvre étrangère après-guerre, mêlée au quotidien des Gomes résidents du bourg. Les éleveurs de chevaux, entre autres, expropriés, s’installeront dans les communes environnantes, les Hauts Fourneaux s’élèvent et s’organisent en sept cités ouvrières. Les Papeteries Navarres, Saint-Gobain, La Grande Paroisse, Les Chantiers de Normandie, le grand-père et le père de Miguel ici photographiés avec ses deux jeunes fils Diego et Antonio, étaient immigrés et ouvriers portugais. Aujourd’hui la plupart des habitants vivent dans des logements sociaux, implantés autour d’un méandre de la rive gauche de la Seine, cerclés d’usines d’ammoniaque classé SEVESO.
Un journal non relié a été édité a 200 exemplaires (épuisé).