Desmemoria, 2018
« Le temps, voici la plus triste de toutes les destructions. Imaginez l’idée du temps qui s’arrête, comment la décrire ? Je me souviens toujours de la façon dont le sifflet de l’usine marquait le passage des heures. Depuis que l’usine a été démantelée, le temps n’existe plus ».
Entretien avec un Azucarero cubain.
Pierre-Elie de Pibrac a vécu près d’un an en immersion chez diverses familles de la communauté des Azucareros de Cuba, travailleurs de l’industrie du sucre et révolutionnaires de la première heure. À travers cette expérience, le photographe interroge la fin des utopies chez un peuple qui a cru et œuvré pour que s’incarne le rêve Castriste. Desmemoria est un témoignage sur le quotidien des habitants des « bateyes » (villages) issu du sucre et vivant pour le sucre. Au cœur de ces villages on voit des centrales sucrières toujours en activité ou désaffectées et des travailleurs du sucre témoignant de ces vies sacrifiées. Qu’ils soient fantomatiques ou habités, les bateyes sont les théâtres du désenchantement de la société cubaine. Il y règne une ambiance pesante qui souligne la solitude, la pauvreté, l’isolement et la précarité dont souffre la grande majorité des Cubains du sucre. Si la canne à sucre a construit Cuba et a représenté la fierté nationale et la volonté d’indépendance des Cubains, aujourd’hui, elle est le symbole de son naufrage entrainant avec elle une nouvelle génération sans repère. En 2018, un an et demie après la mort de Fidel Castro, son frère, Raúl Castro, remettra son mandat de président mettant fin à la dynastie castriste qui dirige le pays depuis 1959. C’est une page de l’histoire cubaine qui s’apprête à être tournée. La série Desmemoria immortalise ces métiers si emblématiques de l’île, condamnés à disparaître.