Cuenca in the gaze, 2014
Le temps d’un hiver, Navia parcourt les paysages rugueux de la province espagnole de Castille-La Manche, pays de Don Quichotte où les époques cohabitent et les générations s’entremêlent. Une vielle femme y occupe une ancienne épicerie où tout est resté en place, un monastère reconverti en pensionnat entretient une religiosité multiséculaire, des hameaux dépeuplés et vielles villes que sillonnent des silhouettes pressées offrent les vestiges d’une ruralité morte, inhumée sous un linceul de neige dans les cimetières épars et esseulés.
La rosse de Navia n’est plus un pauvre cheval, mais bien le train flamboyant de l’Espagne moderne, tout aussi incongru en ces terres où l’inertie de la mémoire a vaincu.
À travers les vitres s’aperçoivent des gares désaffectées et muettes, fondues dans la minéralité froide des vallées endormies. A chaque arrêt, un affairement distille une frêle vie, qui s’évanouit bientôt, laissant le paysage à son silence sépulcral.
En archéologue de la mémoire, Navia exhume la douce élégance d’un monde figé en voie d’effacement où les traces d’une humanité intime luttent contre l’embaumement du temps.