Camp de fortune, 2018
Non sans mal, je suis parvenu à enjamber les fortifications, la ceinture de fer, qui me séparaient de l’abondance. Et j’ai acquis une expertise dans la construction de villégiatures éphémères. J’en veux pour preuve ces œuvres dispersées sur la route de mes pérégrinations. Elles n’ont pas vocation à rester sur leur territoire d’implantation. À une époque reculée, j’aurais été fier de construire le foyer qui protège ceux qui me sont chers. Mais ils ne sont pas tous là. Ce soir, j’ai froid. Je veille avec d’autres indésirables… Je veux des provisions puis fonder un empire sans verser de sang, sinon le mien, mêlé à ma sueur.
Vous pourriez qualifier d’agrégat de matériaux de récupération ces éruptions cutanées, nécessaires, selon moi, à la mémoire collective. Mais je suis convaincu que dans le futur, les chercheurs s’interrogeront sur le manque de considération pour cette technicité, réceptacle de savoirs cumulés pour agrémenter le quotidien en milieu hostile.
En fait, en attendant une terre accueillante, j’ai bâti un abri de fortune sur pilotis. La ville a revêtu un blanc manteau, ma tente semble un igloo… pas vraiment immaculé, tant le dédain a taché mon âme.
Je suis de passage, mon esthétique me survivra.
Texte de Jean-Charles Lopy