Apprendre à mourir en Corée du Sud, 2015
Avec 39 suicides commis chaque jour, la Corée du Sud détient un triste record mondial. Les seniors se suicident quatre fois plus en Corée du Sud que dans les autres pays de l’OCDE. Et pour cause ; une solitude nouvelle et un système de protection défaillant qui participent à isoler et à précariser de plus de plus de personnes âgées.
En à peine quelques décennies, la Corée du Sud est passée de l’un des pays les plus pauvres du monde à la 13ème puissance économique. Derrière cette propulsion fulgurante dans la modernité, basculant la Corée du Sud dans une société ultra-compétitive, beaucoup de coréens ont oublié de se construire une identité et s’enfoncent dans un individualisme de plus en plus marqué : moins d’un tiers de la population trouve normal d’aider ses aïeux selon une récente enquête de l’Office Nationale des Statistiques, par exemple. Face à ce nouveau modèle sociétal, des cérémonies « chocs » simulant des funérailles attirent de plus en plus de monde. À Séoul, au centre de guérison de Hyowon, ce ne sont pas moins de trente personnes, aux profils variés, qui sont venus se confronter à l’expérience de la mort ce jour-là : du jeune adolescent venu de son plein gré, au couple qui tente de surmonter ses difficultés, en passant par les entreprises qui organisent des séminaires funéraires pour leurs employés.
La simulation suit un protocole strict. Au milieu des cercueils alignés, un maître de cérémonie prononce un discours bien rôdé ; les problèmes du quotidien font partie de la vie, il faut les assumer tout en tentant d’y trouver de la joie. Les participants se font ensuite tirer leur « portrait funéraire », avant de revêtir une robe traditionnelle et d’écrire leurs testaments et lettres d’adieu à leurs proches. On pleure à chaudes larmes, certains se confondent en excuses en témoignant de leur égoïsme destructeur. Une fois devant leurs cercueils, les participants expriment leurs derniers vœux. Puis arrive l’heure fatidique : un « ange de la mort » fait son apparition sur le signe du maître de cérémonie, et referme les cercueils, à la lueur des bougies, pour une expérience de 10 minutes vers l’au-delà.