Aoba La feuille bleue, 1999
Éphémère tatami sur les pelouses des parcs au printemps, ombrelle estivale pour céréales en quête de fraîcheur, paravent d’automne, douillet manteau d’hiver pour arbres dénudés…
Clouée, encordée, arrimée, flottante ou encollée, partout, à la ville comme à la campagne, sa belle couleur azur émaille le paysage de l’archipel nippon. Les Japonais l’appellent « Ao Ba, la feuille bleue » . Un bien joli nom pour une simple bâche, un carré de plastique fabriqué en série qui a pour modeste mais néanmoins très utile fonction de protéger et d’isoler surfaces et objets dans un pays où les typhons et les tremblements de terre sont aussi fréquents que les averses de grêles.
Si par-là, il n’y a donc rien d’extraordinaire à ce que paysans, ouvriers, pique-niqueurs ou bricoleurs du dimanche plient et déplient inlassablement sa surface imperméable au gré des saisons et des travaux, par contre le résultat de ces manipulations est des plus étonnants. Là où d’autres se seraient par exemple contentés de dispositifs rapides pour recouvrir un chantier ou une meule de foin, les Japonais déploient une application et un zèle impressionnants, témoins d’un permanent souci d’harmonie avec l’environnement et plus largement, d’un art de vivre qui cherche continuellement dans l’accomplissement d’une chose banale en soi, comme préparer et boire un thé, un sens moral élevé.