Acedia, 2015-en cours
Acédie : état de peine et d’affliction lié à un manque de motivation, à une lassitude et à un désenchantement. Du point de vue du Christianisme, l’acédie est une faute. C’est en tombant par hasard sur Oblomov, d’Ivan Gontcharov, dans la bibliothèque de ma mère que la paresse s’est imposée comme fil conducteur de ma pratique.
Elle est d’abord pour moi un moyen de production puisque le temps vidé de responsabilités et de mes travaux rémunérateurs est celui que j’investis librement. C’est aussi une posture que j’adopte puisque j’interviens peu sur le réel, pour n’en révéler que des fragments décontextualisés. C’est donc en me penchant sur mes doutes et mes songes épars, en photographiant ce qui m’intrigue, ce qui m’attire de façon instinctive, des éléments aléatoires signifiants et insignifiants mais qui ne trouvent d’autre lien qu’une sorte de hasard quotidien, que j’ai construit cet ensemble d’images. Mon esprit vagabonde, se perd, se concentre sur un élément, lui donne de l’importance et reprend son mouvement.
Enfin, ce sujet est aussi devenu un motif d’étude. Dans la plupart des images, il s’agit de non-événements où les signes d’une époque restent discrets. La paresse, habitée par ces personnages, se propose de traduire un refus de la vie telle qu’elle est donnée à vivre, d’une recherche de liberté, ou d’un espace d’introspection. Raoul Vaneigem, à propos du paresseux, dans Éloge de la paresse affinée : «Entre lui et le milieu ambiant, l’insouciance contemplative suffit à tisser le réseau de subtiles affinités. Il perçoit mille présences au sein de l’herbe, des feuilles, d’un nuage, d’un parfum, d’un mur, d’un meuble, d’une pierre. Soudain le sentiment le saisit d’être relié à la terre par les intimes nervures de la vie».