A la recherche de John Frum, Vanuatu, 1999
On peut les entendre avant de les voir : les soldats à pieds de John Frum.
Dans la chaleur moite équatoriale, U-S-A gribouillée en peinture rouge sur des torses nus, habillés seulement de jeans, ils marchent au pas. Faisant du bruit sur le sol, les mains claquent sur des fusils en bambou dont le bout à été peint en rouge pour plus de réalisme. Le son s’étend dans la vallée verdoyante à la pointe sud de cette île du pacifique sud.
« En avant, marche » hurle le sergent en treillis dans la langue locale, le Bislame. « Demi tour sud. Demi tour ouest… ».
Les hommes suivent ces ordres. Ce n’est pas encore la discipline raide de West Point, mais c’est assez réglé pour être convaincant. Entourés par la forêt tropicale, dans une clairière où les porcs se promènent, ils pratiquent la parade militaire depuis les premières heures du jour. Ils sont jeunes et fièrs. Les bustes se gonflent, et les mâchoires se serrent. Il ne s’agit pas d’un groupe militaire, juste des bruits, des bruits de pas, avec comme interlude, les ordres hurlés. Les mouvements sont supervisés par des « officiers » habillés en kaki et resplendissant de médailles de décorations militaires et d’épaulettes et insignes de rang et de grade.
Ils paradent ainsi depuis 1957, la fête nationale du mouvement John Frum, lorsque le premier drapeau américain fut attaché à un mât de bambou. La fête commémore un leader spirituel, John Frum, et un allié de temps de guerre, les Etats-unis, qui ont promis de revenir. Tous les 15 février, le village de Sulphur Bay, Vanuatu, élève les Etoiles et les Raies aujourd’hui fatigués et décolorés, aux côtés des drapeaux des Marines américains, de la province locale, et du drapeau tricolore de l’Etat de Géorgie, portant l’insigne confédéré. La Croix-Rouge, symbole emprunté à l’organisation humanitaire, est présente dans une petite salle de prière dont le sol est jonché de soucis, d’hibiscus, et d’Allamandas.
Texte de Linda Morris