Stéphane Duroy — Again And Again
Le Bal
6, impasse de la Défense – 75018 Paris
Du 6 janvier au 9 avril 2017
« On photographie des choses pour se les chasser de l’esprit. Mes histoires sont une façon de fermer les yeux » Franz Kafka
Et si l’œuvre de Stéphane Duroy était un exil ? Après quarante années d’un périple obsessif sur les traces de la vieille Europe jusqu’aux Etats-Unis, Stéphane Duroy semble aujourd’hui poussé par un vent de renouveau, vers une pratique photographique emmenée toujours plus loin d’elle-même.
L’Europe du Silence, travail fondateur initié dans les années 1980, s’impose comme la tentative, décisive dans son parcours, de partir à la rencontre de la grande Histoire : Douaumont, Berlin, Auschwitz, Lodz… Construite dans un mouvement au long cours, cette série consigne la vision d’un homme à la recherche de son identité et de la mémoire d’une Europe ébranlée par deux conflits mondiaux et de multiples dérives totalitaires. Stéphane Duroy en livre un récit fragile, emprunt de poésie et d’inquiétude, dont l’esthétique granuleuse et opaque se mêle au poids du temps et aux silences obscurs des paysages. Paraît en 2000 le livre du même nom, épuré et radical, en 20 images.
Depuis 1977, il affronte aussi une autre réalité. Celle de l’humain, des laissés pour compte, des ouvriers et des marginaux plongés dans la détresse d’une Angleterre Thatchérienne en pleine mutation. Le livre Distress (paru tardivement en 2011), est l’aboutissement d’une plongée de plus de trente années dans un pays profondément meurtri.
Progressivement et inexorablement, le regard de Stéphane Duroy se déporte. Sur les traces des exilés européens, il se tourne vers leur terre d’accueil, les États-Unis, réceptacle d’une mémoire collective fuyant les stigmates de son passé. De New York au Montana, il marche alors sur les pas d’immigrés arrivés en Terre promise en quête de nouveaux départs. Confronté à une version désenchantée du « rêve américain », il rapporte des images d’une grande mélancolie et d’une extrême sobriété, et publie en 2007 le livre Unknown. Dans ce va-et-vient permanent entre une Amérique qu’il ne cesse d’ausculter et l’Allemagne, cœur de ses obsessions, Stéphane Duroy construit son imaginaire.
À partir de 2009, il se détache peu à peu de la photographie et met en place un autre processus de travail : collages, coupures de presse, photographies anonymes, peintures, ratures et déchirures, viennent nourrir et malmener des dizaines d’exemplaires de son livre Unknown, l’aidant à dépasser une surface photographique devenue trop pauvre à son goût. Par ce geste quotidien de destruction et de reconstruction, par l’ajout de couches de matières successives, il procède, tel un palimpseste, à un effacement de l’image. Ces livres-objets deviennent les catalyseurs de ses obsessions. Cette tentative d’épuisement du livre et de ses propres images permet à Stéphane Duroy d’aller au-delà de sa photographie, d’en casser les codes et d’explorer de nouveaux territoires d’expression. Témoin d’un monde devenu irrespirable, il déracine son langage.
Fannie Escoulen
Commissaires : Fannie Escoulen et Diane Dufour
En partenariat avec : anthea associates
L’exposition se prolonge chez LEICA, du 5 janvier au 8 avril, 105-109 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris