Aux bords du monde
C’est un monde de frontières, d’entre-deux, un monde entre mer et terre, entre jour et nuit, un monde “aux bords du monde“, que Serge Picard nous dévoile. Ses photographies explorent les limites d’un univers déserté par l’homme dont ne subsistent que des traces qui sont autant de jalons sur lesquels notre regard trouve un ancrage. La mer, la terre, le ciel, y cohabitent et s’y confondent, accentuant encore l’impression d’étrangeté et d’absence de repères capables de nous éclairer ; ces confins demeurent lointains, les questions qu’ils suscitent sont nombreuses et notre curiosité reste en suspens. Qui fréquente encore ces bords de mer où seul le cabanon d’un vendeur de glace témoigne d’une autre saison faite de chaleur et de soleil ? A quoi, à qui, peuvent bien servir ces voies ferrées tronquées, arrêtées net, ces chaussées qui glissent dans la mer ou ces phares qui guident d’improbables navigateurs ? Pour quels voyages se préparent ces cargos amarrés aux quais de ports fantômes desquels toute activité semble avoir disparu ? Qu’en est-il de ce pavillon d’un autre siècle, posé au centre de l’image, serti d’arbres émondés dont les moignons se dressent de façon pitoyable, témoins d’un acharnement à éradiquer toute luxuriance ? Que penser de cette touffe de Yuccas dont la présence rappelle qu’il existe d’autres ailleurs, d’autres contrées aux cieux plus cléments ? Les images de Serge Picard nous apparaissent empreintes de nostalgie. Rongées sur leur marge et pourtant enserrées dans le cadre qui les ferme et les soustrait à toute contagion extérieure, elles sont autant d’univers clos, de fragments qui sont bien autre chose que de simples images de la nature, que de simples constats topographiques. Le camaïeu de gris, la densité du noir accentuent le côté éthéré de ces œuvres et leur charge poétique les soustrait à toute fonction documentaire. Elles sont comme un pont entre notre monde contemporain marqué du sceau de l’ère industrielle et les paysages des pionniers de la photographie telles les marines de Gustave Le Gray.
Maurice Lecomte, Centre National de la Photographie
INFORMATIONS TECHNIQUES
Formats :
40 tirages noir encadrés 85 x 100 cm
3 contrecollés sur aluminium format 127 x 150 cm
contact
Patricia MORVAN
Responsable de projets culturels
et des expositions
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