Vanessa Winship -« She dances on Jackson, 2013 »
Vieille Eglise – Rue de la Vieille Eglise – Mérignac
« Je rentre chez moi à la fin d’une journée passée à arpenter les rues. Quand j’arrive sur le quai à Jackson, une foule fait cercle autour d’un orchestre. Non loin, j’aperçois un petit groupe, deux femmes et deux jeunes filles, debout. J’essaie de deviner si elles ont un lien de parenté. J’en ai la preuve quand la plus grande des deux filles pose la main dans le cou de l’une des femmes, cherchant son approbation, par ce geste silencieux et intime de fille à mère. Celle-ci donne son accord avec une tranquillité qui laisse entendre qu’elle a l’habitude de permettre ce genre de chose. La fille se dirige vers la musique. Elle marche avec aisance jusqu’au centre du cercle qui s’ouvre comme si la foule attendait sa venue. Son corps bouge librement, sans effets de pose ni parodie d’adulte. C’est une danse de son invention, entièrement spontanée. Le moment se prolonge plusieurs minutes encore, sans que la fille ne perde ni son souffle ni son rythme, et la foule marque son affection en entourant la scène d’un cercle protecteur. À l’arrivée du train, la mère de la fille fourre une liasse de billets froissés dans la main de l’un des musiciens et elles sautent dans le wagon. »
– Vanessa Winship, Chicago, Novembre 2012.
Pendant plus d’un an, Vanessa Winship a parcouru les États-Unis, de la Californie à la Virginie, du Nouveau-Mexique au Montana, à la recherche du rêve américain. She dances on Jackson se lit comme une conversation, une interaction poétique et rythmée entre des paysages et des portraits qui explorent l’immensité des États-Unis, en essayant de comprendre le lien qui se crée entre un territoire et ses habitants.
Darcy Padilla -« Family Love, 1993-2014 »
Projection (vidéo 10 minutes VOST) à la Médiathèque Michel Sainte-Marie – 19 place Charles-de-Gaulle – Mérignac
En 1993, Darcy Padilla rencontre Julie Baird au cours d’un reportage à l’Ambassador, un de ces hôtels du quartier de Tenderloin, à San Francisco qui tient lieu d’annexe aux hôpitaux surchargés. Elle la suit pendant 18 ans jusqu’à sa mort, témoignant à travers elle de la pauvreté, des familles brisées, de la toxicomanie, du sida, des relations violentes. Des ruelles de San Francisco à l’arrière-pays de l’Alaska, Darcy Padilla raconte la vie de Julie au rythme des naissances et des décès, des pertes et des retrouvailles, des petits bonheurs et des grandes douleurs. Une épopée bouleversante de la vie et de la mort.
« J’ai rencontré Julie pour la première fois le 28 février 1993. Julie avait 18 ans, et se trouvait dans le hall de l’hôtel Ambassador, pieds nus, pantalon ouvert et portant une enfant de 8 jours dans ses bras. Elle vivait dans le quartier SRO (Single Room hotel) de San Francisco, un endroit où l’on trouve des logements pas chers et des petits restaurants à soupe. Sa chambre était remplie de vêtements jetés à même le sol, au milieu de cendriers et d’ordures. Elle vivait alors avec Jack, le père de Rachel, sa première fille, et qui l’a rendue séropositive. Elle le quitta quelques mois plus tard pour arrêter de se droguer. »
– Darcy Padilla
Ce travail exceptionnel est publié aux Éditions de La Martinière en 2014 sous le titre Family Love et reçoit de nombreux prestigieux prix dont le W. Eugene Smith de la photographie humanitaire, le John Simon Guggenheim Memorial Foundation, le Getty Images Grant for Editorial Photography, et plusieurs World Press Photo.
Magali Lambert -« En miroirs, 2021 »
Parc du Vivier – 60 avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny – Mérignac
Projet mené dans le cadre de la résidence artistique proposée par la Ville de Mérignac.
« J’ai entrepris la série En miroirs en observant le parc du Vivier et ses reflets. Sur les bâtiments de la mairie et sur la surface des lacs, la végétation, les animaux et le ciel impriment leurs couleurs changeantes, leurs matières foisonnantes. Un grand miroir que j’ai placé à différents endroits du parc m’a permis de créer comme une fenêtre lumineuse magnifiant les brillances du lieu. S’y reflètent faune, flore et architectures. Un immeuble semble avoir poussé comme un arbre au milieu des siens, une oie bernache observe ses congénères de l’autre côté du miroir, un tronc centenaire se fait le tuteur d’un autre, plus jeune, ayant besoin de sa robustesse pour grandir. Les photographies ont été réalisées durant l’automne et l’hiver. Les branches dénudées, les sols jonchés de feuilles mortes plantent le décor de la série. Les images d’En miroirs, présentées au printemps et en été, prennent place au sein du même décor. Chacune opère, par le biais du miroir et de la scénographie, une mise en abyme du lieu ainsi que du procédé photographique. Le miroir de l’appareil observe celui du parc. Les quatre saisons se juxtaposent. Les temps et les espaces s’entremêlent, initiant ainsi un dialogue particulier entre le parc, les photographies et les visiteurs. »
Maia Flore -« Situations »
Parc du Vivier – 60 avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny – Mérignac
Dans Situations, une jeune fille avance par tous les temps à travers des paysages qui semblent inexplorés. En quête d’une indescriptible liberté, elle voyage et créé des mises en scène éphémères dans la nature. Vêtue de rouge elle est repérée par le soleil et enfouie dans le brouillard. Comme pour redécouvrir l’espace, elle marche sur ces nuages qui touchent terre, puis s’évapore dans le paysage quand le soleil revient pour chasser le mystère. Comme un jeu entre la réalité et l’imagination, l’opposition d’une clairvoyance et d’une folie passagère, la jeune fille s’amuse de la confusion des sentiments.
« Maia Flore croit aux vertus d’une photographie enfin débarrassée de la réalité crue. Le réel n’a d’intérêt que transfiguré. Avec sa personne comme modèle, ou plutôt comme sujet agissant, elle s’amuse à mettre en scène d’improbables situations poétiques et métaphoriques. »
– Francois Cheval
Martina Bacigalupo -« Gulu Real Art Studio, 2014 »
Parc du Vivier – 60 avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny – Mérignac
Personne ne se souviendrait du « Gulu Real Art Studio », au nord de l’Ouganda, si la photographe italienne Martina Bacigalupo n’en avait un jour poussé la porte et découvert là une pratique étrange. Celle qui consiste à faire des portraits larges des clients, à découper dans les tirages un rectangle de 35x45mm qui correspond au format administratif des photos d’identité et à jeter le reste. C’est ce rebut précisément qui a intrigué Martina Bacigalupo, ces corps sans têtes, ces images radicalement désincarnées qu’elle recycle et réunit, reconstituant à son insu la grande famille des absents, la communauté fantôme des habitants de Gulu dont seuls les postures et les vêtements permettent aujourd’hui de retrouver l’unité. Elle a découvert leurs histoires bouleversantes qui décrivent les conditions politiques, économiques et sociales de l’Afrique des Grands Lacs. Ces témoignages accompagnent les photographies réunies dans l’ouvrage publié aux éditions Steidl et The Walther Collection en 2013.
« En opérant son travail de sauvetage, Martina Bacigalupo poursuit une pratique artistique, apparue dans les années soixante-dix, et consistant à recycler et réorganiser des images existantes. Au moment où des milliards d’images sont disponibles sur Internet et où se pose la question du sens d’en réaliser de nouvelles, la signification qu’elle donne à ces exclues est un véritable travail artistique. Celui de la mise en forme qui donne une fonction, celle qui transforme l’éditeur en auteur. »
– Christian Caujolle
Anne Rearick -« Pays Basque, 1990-2020 »
Bois du Burck – Avenue Bon Air (entrée stade Cruchon) – Mérignac
En 1990, Anne Rearick quitte la côte Est des États-Unis pour passer une année à photographier la vie quotidienne d’Iparralde, dans le Pays Basque français. Ici, le temps semble s’être arrêté. Alors, elle cherche à y capturer des moments de pureté et d’authenticité. Ses images, prises loin des bouleversements de la vie moderne et du tumulte de la ville, expriment la richesse d’une existence qui suit le rythme de la nature et prend racine dans la terre. Par son approche tendre et sincère, sans artifice, sa captation des subtiles vibrations de lumières, c’est avec une grande justesse qu’Anne Rearick rend compte de cette région qui cherche à préserver sa propre culture. Depuis 32 ans, elle continue à photographier ce pays.
« Je suis arrivée pour la première fois à Saint Jean-Pied-de-Port pour photographier la vie rurale en 1990. Le jour de mon arrivée, une femme âgée, Madame Hatoig m’a invitée dans sa maison alors qu’il pleuvait à verse, elle m’a donné des pantoufles, du thé chaud et des madeleines, montrant là une générosité et une hospitalité peu communes. Dès lors, je me suis sentie chez moi au Pays Basque. Il est au cœur de mon travail de photographe et ses changements ont participé à ma propre évolution, à mon travail de documentariste, cherchant à saisir les lieux et l’esprit de ces lieux. Les bergers, les propriétaires de café, les étudiants, les postiers, comme les agriculteurs m’ont laissée pénétrer et photographier leur intimité, dans leur cuisine, leur grange ou lors de leurs promenades nocturnes. J’ai tenté de retranscrire à ma façon ce que cette région m’inspire. Au rythme des saisons, j’ai vécu comme ces Basques-là, pour relater en images les histoires familiales et les relations humaines, tout ce qui façonne ce pays magnifique. »
– Anne Rearick
Arja Hyytiäinen -« Ile d’enfance, 2019 »
Bois du Burck – Avenue Bon Air (entrée stade Cruchon) – Mérignac
« …Ces jours où le temps semblait s’étirer. Tel un rituel fondateur, chaque été, empli du cri du coucou et du bourdonnement de la mouche derrière la vitre. Bout des doigts noirs des myrtilles. Le parfum lointain du romarin sauvage. Les jours dans la nature et le paysage de mon enfance, toutes ces réminiscences qui reviennent par ma fille… La série Ile d’Enfance traite de l’enfance et de l’identité du point de vue de l’enfant, et de mes propres souvenirs. Je travaille cette série pour partie de façon posée mais aussi de prises de vue spontanées en fonction des situations. En tant que photographe et mère, je suis et je partage le développement de ma fille, les évènements du quotidien, les jambes qui font mal quand elle grandit, l’impatience de la visite de sa grand- mère ou la mort du chat, tout ce qui éveille mes souvenirs et qui a inspiré mes photographies ces dernières années. Les images sont composées en partie en Finlande, sur une île où nous allons tous les mois d’août. Peut-être que cette île est devenue toute la Finlande pour ma fille, en tout cas le granit et la puissance de la nature sont très présents pendant ces séjours. Une autre partie des images est composée là où nous vivons toute l’année en France. Les lieux ne sont pas importants en eux-mêmes, mais quand vous appartenez à deux nationalités cela crée une dualité permanente qui se cache dans un jardin secret, comme une maison à l’intérieur de vous. C’est cet endroit, cette identité que je recherche dans cette série d’images. »